Accéder au contenu principal

Le revers de la médaille

Château de Ripaille à Thonon-les-Bains
Château de Ripaille à Thonon-les-Bains

Les gagnants de la seconde édition du Loto du patrimoine ont été dévoilés mardi par le ministre de la Culture Franck Riester. 103 projets ont ainsi été retenus sur 835 candidats, et s'ajoutent aux dix-huit déjà annoncés en mars dernier. Cette multiplication de candidatures, cet engouement populaire souligne, si besoin en était, l'attachement des Français à leur patrimoine. Un attachement que l'on mesure d'ailleurs chaque année en septembre lors des Journées du patrimoine – initiative française lancée en 1984 et devenue depuis européenne – qui battent à chaque édition des records de fréquentation. Attachement au patrimoine que l'on retrouve de la même façon lors des émissions de radio ou de télévision consacrées à l'histoire et aux monuments, qui apportent régulièrement de très belles audiences aux chaînes.

Enfin, l'attachement des Français au patrimoine a connu un retentissant éclat lors de l'incendie du toit de Notre-Dame de Paris. L'élan de générosité pour rebâtir ce que les flammes ont dévoré a permis de constater que l'amour du patrimoine français recélait aussi quelque chose d'universel puisque les dons ont afflué de l'étranger pour ce qui était alors apparu comme Notre-Dame du Monde.

Le Loto du patrimoine s'inscrit dans cette passion française mais a, toutefois, eu un mérite particulier : donner un coup de projecteur sur le « petit » patrimoine. Vernaculaire, très local, souvent rural, ce patrimoine-là mobilise au quotidien à son chevet de petites associations qui font un long travail de restauration ou de préservation. Souvent sans beaucoup de moyens, parfois avec quelques subventions, ces associations se donnent sans compter, ici autour d'un moulin, là d'une petite chapelle, ailleurs autour d'un site archéologique. Les bénévoles se mobilisent avec le seul intérêt de faire connaître leur patrimoine de cœur et, surtout, transmettre la mémoire du lieu comme de ceux qui y ont vécu. Ils assurent ainsi une continuité historique au nom de l'intérêt général. La sélection de ces sites par la Mission patrimoine confiée à Stéphane Bern et les subsides que ces derniers recevront via le Loto du patrimoine est assurément une bonne chose.

Ce dispositif, éminemment sympathique et populaire, est, on le voit, nécessaire pour beaucoup des lieux sélectionnés, mais il ne saurait être suffisant. Il ne faudrait pas, en effet, que la lumière faite sur ces petits chefs-d'œuvre en péril ne fasse oublier qu'une politique patrimoniale digne de la France demande beaucoup plus de moyens, beaucoup plus de rigueur aussi, notamment dans le choix des sites à préserver sur lesquels historiens et spécialistes doivent avoir leur mot à dire. Tout miser sur le Loto du patrimoine, comme tout attendre des dons pour Notre-Dame de Paris – dont seulement 9 % ont été collectés pour l'heure – peut s'avérer contre-productif car leur généralisation conduirait à une philanthropie à l'américaine dont le bon vouloir se substituerait à l'impartialité de l'Etat dans ses choix comme dans ses priorités.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 15 juin 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...