La cathédrale Notre-Dame de Paris, on le sait, est indissociable de l'Histoire de France. De Charles VII à Henri IV, de la Révolution française à la Libération, du couronnement de Napoléon Bonaparte à la conversion de Paul Claudel, des mariages royaux aux obsèques présidentielles, elle a marqué chaque étape de l'Histoire du pays. Mais la cathédrale est devenue au fil des siècles plus qu'un lieu de culte majeur pour les catholiques : un symbole universel, la célébration du génie créatif des hommes. Dans son « Notre-Dame de Paris » paru en 1831, Victor Hugo, qui fit de la cathédrale mal en point un monument populaire à sauver, ne s'y était pas trompé. « L'architecture est le grand livre de l'Humanité, l'expression principale de l'Homme à divers états de développement, soit comme force soit comme intelligence. » C'est sans nul doute ce qu'elle est – un joyau architectural unique – et ce qu'elle représente – neuf siècles d'histoire européenne – qui expliquent que l'émotion de chaque Français devant l'incendie ravageant Notre-Dame lundi soir a dépassé le cadre de nos frontières pour toucher le monde entier.
Des Etats-Unis à la Russie, du Vatican au Royaume-Uni, de l'Argentine à l'Allemagne, de Londres à San Francisco : les messages de soutien font chaud au cœur. Ils sont le moteur d'une mobilisation sans précédent pour collecter rapidement des fonds afin de rebâtir la cathédrale. On ne retrouvera bien sûr pas la «forêt» d'origine, cette charpente centenaire unique, dont les poutres provenaient d'arbres plantés sous Charlemagne, mais Notre-Dame retrouvera un jour – c'est certain – sa beauté aujourd'hui abîmée sous la cendre.
Il faut se réjouir de voir que cet objectif suscite la concorde de la classe politique – même si les messages empressés de certains ne sont pas exempts de visées électoralistes – et l'implication généreuse de grandes entreprises – fussent-elles parfois maîtresses dans l'art de l'optimisation fiscale pour éviter l'impôt. L'élan international en faveur de la reconstruction de Notre-Dame est assurément une chaîne humaine qui fait du bien.
Les questions sur le drame viendront ensuite : comment un tel incendie a pu avoir lieu ? Quelles négligences ont-elles pu être commises ? Mais aussi, plus tard, des questions sur le niveau de financement de notre politique patrimoniale : dispose-t-elle de suffisamment de moyens ? Le loto du patrimoine, si sympathique soit-il, ne cache-t-il pas la misère comme le craignent certains ?
Pour l'instant, l'heure est à la mobilisation pour chasser ces terribles images de Notre-Dame en flammes et redonner à ce grand vaisseau de pierres défiguré le visage familier auquel nous sommes tous attachés, croyants et incroyants, Français et citoyens étrangers. Hier la cathédrale était Notre-Dame du monde...
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 17 avril 2019)