Comment tirer les enseignements du Grand débat national qui s'est achevé le 15 mars et dont on attend de savoir la semaine prochaine ce qu'Emmanuel Macron en présentera comme décisions « profondes » ? Comment, pour l'exécutif, ne pas faire 66 millions de déçus quand les contributions de cet exercice démocratique inédit sont parfois – voire souvent – contradictoires ? Comment refléter au mieux les attentes des Français dans leur ensemble alors que seulement une toute petite partie du corps électoral a participé à cette grande consultation ? Comment répondre, par exemple, à la revendication massive des Gilets jaunes et d'une majorité de Français de rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune, quasi absent des conclusions du Grand débat ? Comment enfin, pour reprendre l'expression d'Emmanuel Macron, n'être ni dans le «reniement» de ce qui a été fait depuis le début du quinquennat ni dans l'«entêtement» qui consisterait à rester sourd à la grogne des ronds-points ? Autant de questions qui attendent maintenant leurs réponses et qui mettent l'exécutif au pied du mur.
Pour l'heure, le chef du gouvernement, contraint de garder le silence sur les arbitrages à venir, s'est contenté de reprendre une antienne bien connue à droite : il faut baisser les impôts, diminuer les taxes, alléger les prélèvements obligatoires et réduire la dépense publique. Abaisser la pression fiscale en France ? Pourquoi pas. Après tout, en décembre dernier, la France est devenue, parmi les 36 Etats membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le pays où cette pression fiscale est la plus forte. Avec des prélèvements représentant 46,2 % de son produit intérieur brut (PIB), notre pays est passé devant le Danemark et la Belgique. Il y a d'autant plus matière à endiguer ce «dérapage» que la pression fiscale a été essentiellement supportée par les ménages des classes moyennes ces dernières années.
Mais une fois que l'on a dit qu'il fallait baisser les impôts et réduire la dépense publique, encore faut-il préciser quels impôts, dans quelle proportion, à quelle échéance, et quelles dépenses de l'État seraient à sabrer : dans la défense, l'éducation, la sécurité, la santé, le social ? Par ailleurs, qui dit moins d'impôts dit moins de redistribution et donc, faute d'amortisseur social, un creusement des inégalités. Or une récente étude du Laboratoire sur les inégalités mondiales montre bien que les pays à fort taux de prélèvements sont justement ceux qui ont le mieux contenu les inégalités depuis 1980…
En ne se fixant que sur la baisse des impôts – toujours populaire – et la baisse des dépenses publiques – toujours attendue – le gouvernement semble oublier la revendication majeure des Français exprimée sur les ronds-points comme lors du Grand débat : un besoin de justice fiscale et sociale. En ne se focalisant que sur la baisse d'impôts pour répondre, dit-il, à «une immense exaspération fiscale», l'exécutif prend le risque de se heurter à «une immense exaspération» tout court…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 11 avril 2019)