Gilets jaunes à Belfort, le 19 janvier 2019. Photo Wikipedia Thomas Bresson |
Le mouvement des Gilets jaunes, ce phénomène aussi inédit qu'insaisissable né il y a cinq moins et qui s'apprête ce samedi à vivre son XXIIIe acte, suscite souvent des avis bien tranchés. Pour ceux qui le soutiennent, il s'agit d'un mouvement populaire qui se bat pour davantage de pouvoir d'achat, de justice fiscale et sociale, et de représentation démocratique et qui n'est toujours pas assez entendu par le «président des riches» qu'est Emmanuel Macron. Pour ceux qui s'y opposent, il s'agit d'un mouvement qui s'est fait progressivement noyauter par des extrémistes complotistes et dont les manifestations émaillées de violences plombent l'économie et mettent en péril les comptes du pays qu'Emmanuel Macron a promis de remettre d'aplomb. Les uns estiment n'avoir pas assez obtenu ; les autres pensent qu'on a déjà beaucoup trop donné.
Comme souvent, la vérité n'est ni blanche ni noire et l'extrême polarisation du débat public n'aide pas à dégager une position médiane… C'est pour cela que les prévisions 2019-2021 de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiées cette semaine sont importantes. Le travail sérieux fourni par ces économistes montre la réalité d'un effet Gilets jaunes sur le pouvoir d'achat des Français. Celui-ci connaîtra en 2019 sa plus forte augmentation depuis 2007 : une hausse de 850 € en moyenne dont 440 sont attribuables aux mesures du gouvernement prises depuis le début du mouvement de grogne.
De ce constat Gilets jaunes et exécutif devraient tirer des leçons sur leurs positions respectives.
Pour le gouvernement d'abord. Emmanuel Macron avait prévu de mener une politique de l'offre en réduisant les déficits publics et en favorisant les entreprises. Sous le poids de l'opinion publique il a été contraint à faire le contraire. Les quelque 10 milliards de mesures en faveur du pouvoir d'achat prises le 10 décembre retardent peut-être le retour à l'équilibre budgétaire mais ont un effet bénéfique. Comme quoi une classique politique de relance keynésienne, de gauche donc, peut porter ses fruits.
Pour les Gilets jaunes ensuite. L'étude de l'OFCE montre que les mesures prises par Emmanuel Macron en décembre n'étaient en rien des « mesurettes. » On peut toujours les juger insuffisantes, mais elles ont eu un effet réel qui va s'accentuer dans le temps pour une majorité de Français et correspondaient bien aux revendications initiales du mouvement. Le reconnaître ne serait ni se renier ni renoncer à des combats sociaux futurs.
Emmanuel Macron va présenter la semaine prochaine un nouveau train de mesures (partiellement dévoilées) qui doivent ouvrir l'acte II de son quinquennat. Entre la mise en œuvre de son programme social-libéral et l'attente de l'opinion qui réclame une réorientation à gauche de la politique économique et sociale, le Président devra inventer ce «en même temps» qui tienne compte de l'effet Gilets jaunes mis en évidence par l'OFCE.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 19 avril 2019)