Le rapport que s'apprêtent à remettre aujourd'hui à Paris quelque 150 experts de 50 pays sur la biodiversité constituera-t-il l'électrochoc permettant à l'humanité de prendre conscience de son impact réel et incontestable sur l'environnement de la planète et la survie de milliers d'espèces de la flore et de la faune ? On ne peut que l'espérer tant ce document, qui a nécessité trois ans de travail, dresse un portrait alarmant de la situation écologique mondiale : « un demi-million à un million d'espèces devraient être menacées d'extinction, dont beaucoup dans les prochaines décennies » indiquent les experts. Autrement dit, la Terre est aujourd'hui au début d'une nouvelle « extinction de masse », la sixième, dans laquelle l'Homme porte une lourde responsabilité.
Le rapport sera accompagné d'un « résumé pour les décideurs » qui doit être discuté ligne à ligne puis adopté par les 130 pays membres de l'IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, le pendant du GIEC (Groupe international des experts sur le climat) qui s'intéresse au réchauffement climatique.
On peut espérer qu'un accord international puisse être signé sur la biodiversité comme cela fut le cas en 2015, lors de la COP21, avec l'accord de Paris sur le climat. Mais même dans cette hypothèse, il restera énormément de chemin à faire. L'accord historique de 2015, bousculé par des dirigeants climato-sceptiques qui veulent en sortir (les Etats-Unis de Trump, le Brésil de Bolsonaro), peine toujours à se traduire par des actions concrètes. Et dans les autres pays, prendre des décisions paraît toujours aussi compliqué. Emmanuel Macron, qui avait promis de rendre sa grandeur à la planète (Make our planet great again) n'a pas vraiment déployé une politique écologique à la hauteur des enjeux. Le Conseil de défense écologique qu'il a annoncé jeudi dernier s'ajoute ainsi à quelque 60 comités déjà chargés de la transition énergétique…
Le sursaut qu'impose ce rapport sur la biodiversité viendra sans doute de la société civile, c'est-à-dire de la mobilisation sur ces questions de citoyens qui, individuellement, prennent conscience de l'enjeu écologique. Et cette mobilisation, c'est heureux, prend chaque jour de l'ampleur, de la pétition de l'Affaire du siècle aux grèves pour le climat engagées par les lycéens. Une mobilisation au niveau mondial comme au niveau local. Le succès du colloque « Le Monde nouveau » organisé par le Groupe La Dépêche fin mars à Perpignan montre que beaucoup sont prêts à s'engager pour faire bouger les choses, avec la conviction que l'heure n'est plus aux paroles, mais aux actes.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 29 avril 2019)