Accéder au contenu principal

Le royaume aux deux visages



Le Brexit aura-t-il lieu le 12 avril, le 22 mai, le 30 juin, ou plus tard encore ? Le (mauvais) feuilleton de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne n'en finit plus de s'étirer dans le temps. Depuis 2016, les négociations entre la Première ministre Theresa May et le représentant des 27 Michel Barnier – tous deux courageux et inflexibles – semblent d'autant plus tourner en rond que dès l'activation de l'article 50 il y a trois ans, beaucoup se doutaient qu'on en arriverait à une telle impasse. D'un côté, une Union européenne qui s'est miraculeusement trouvée unie pour négocier le départ de l'un de ses membres. De l'autre, un pays et ses représentants qui ne savent plus que faire. La dernière série de votes au Parlement de Westminster est à ce titre édifiante : les élus de la Chambre des communes ont rejeté les huit alternatives proposées. Ils ne veulent pas de l'accord longuement négocié, ni d'une sortie sans accord, ni d'une intégration douanière ou économique, etc.

Si les Britanniques sont à ce point désorientés, c'est peut-être tout simplement parce qu'aujourd'hui, on a affaire à un royaume aux deux visages.

Le premier est celui de tous ceux qui restent partisans d'un Brexit dur, pur et simple, immédiat, conforme au vote de 2016. Persuadés, en dépit des dernières statistiques économiques, que la Grande-Bretagne se portera mieux seule et isolée, comme jadis lorsqu'elle était l'épicentre d'un empire aujourd'hui disparu sous le vernis du Commonwealth. Ceux-là continuent – toute honte bue – de colporter les fake news qui ont constitué l'alpha et l'oméga de la campagne du « leave » en 2016. Chacun se souvient du fameux bus rouge proclamant dans les rues de Londres que le pays versait 350 millions de livres sterling par semaine à l'Europe, une somme qui pourrait aller aux hôpitaux publics. Il s'agissait d'un mensonge que certains populistes ont reconnu du bout des lèvres avant de disparaître de la circulation comme Nigel Farrage, le leader de l'Ukip.

L'autre visage du Royaume-Uni, ce sont ces centaines de milliers de Britanniques qui ont crié leur attachement à l'Europe et ses valeurs dans les rues de Londres le 23 mars. Une foule immense, celle du « remain », qui réclame par pétition sur internet un second mais improbable référendum tant il apparaîtrait comme un déni de démocratie. C'est aussi le discours d'adieu de l'eurodéputé Alyn Smith au Parlement européen il y a quelques jours. « Partir est un déchirement. Chers collègues, je ne vous demande pas de trouver une solution à nos débats nationaux, je vous demande de laisser une lumière allumée pour que nous puissions trouver notre chemin pour rentrer à la maison… »

À moins de deux mois des élections européennes, le Brexit tel qu'il en est aujourd'hui est à la fois une leçon et un message. La leçon c'est que les populistes, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, brandissent toujours des solutions aussi simplistes que mensongères, qui conduisent au chaos. Mieux vaut ne pas y céder.

Le message est celui de ces Anglais europhiles envers lesquels l'Union européenne doit garder une main tendue au nom de la devise européenne, «Unie dans la diversité», comme une lumière d'espoir.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 8 avril 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparation po

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu