À désormais un mois des élections européennes, on peine à se concentrer sur une campagne électorale désespérément atone. L'Europe n'intéresserait-elle pas les Français ? Non, puisque notre sondage BVA-La Dépêche montre – presque à rebours des idées reçues – que 59 % de nos concitoyens se déclarent intéressés par les élections européennes qui auront lieu, en France, dimanche 26 mai prochain. Si cette campagne européenne a tant de mal à décoller, on le doit avant tout au contexte politique qui prévaut en France aux stratégies des différentes formations.
La crise des Gilets jaunes qui rebondit de samedi en samedi depuis cinq mois, puis l'interminable Grand débat national qui doit trouver – enfin – sa conclusion ce soir avec les annonces d'Emmanuel Macron en conférence de presse ont occulté le débat et les enjeux des Européennes pour la France. Le débat public s'est, en effet, tout entier concentré sur des enjeux purement nationaux. 39 % des Français, selon notre enquête, déclarent ainsi que par leur vote aux élections européennes ils exprimeront leur soutien ou leur opposition à la politique du gouvernement…
Mais si la campagne patine à ce point, c'est aussi la faute aux choix stratégiques des formations politiques. Contrairement à ce qui se passe chez nos voisins, et notamment en Allemagne, où l'on conçoit parfaitement que mener une carrière politique au niveau européen est prestigieux et utile, en France, l'élection européenne est pensée comme un second choix. Anciens ministres à recaser, personnalités sans aucun engagement européen notable, hommes et femmes inconnus du grand public, aux parcours parfois diamétralement opposés et contraints de cohabiter sur la même liste, programmes illisibles et/ou inconnus des Français, etc. Seule semble compter l'envie… de «se compter», le score du 26 mai étant regardé uniquement comme indicateur du poids politique en France. Grave erreur.
L'Europe mérite mieux que cette cacophonie de la part d'un de ses pays fondateurs. Les Français méritent mieux de la part de partis qui réclament leurs suffrages. Dans un monde où les tensions politiques et commerciales se durcissent entre la Chine et les États-Unis, où les défis scientifiques, technologiques (sur la 5G ou l'intelligence artificielle) et environnementaux sont capitaux, une Europe forte est plus que jamais indispensable. Qui peut croire, comme le promettent tambour battant les partis nationalistes d'extrême droite, que l'Europe sera plus forte en étant l'addition de politiques protectionnistes, la somme de nations recroquevillées sur elles-mêmes ?
En dépit de son fonctionnement perfectible et largement amendable, l'Union européenne, a montré qu'elle pouvait améliorer concrètement la vie de ses 500 millions de citoyens et jouer un rôle dans la marche du monde. Nombre d'eurodéputés français sortants peuvent en témoigner. Encore faut-il pour cela que la campagne électorale prenne tout son sens, que le débat d'idées retrouve toute sa place.
Il reste un mois…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 25 avril 2019)