Dans deux mois jour pour jour, nous connaîtrons la physionomie du nouveau Parlement européen au terme d'élections dans les désormais – Brexit oblige – 27 Etats membres. Des élections qui sont celles de tous les dangers pour l'Union. Rarement depuis le traité de Rome en 1957, en effet, l'idée de la construction européenne, jusqu'ici partagée par les deux forces du Parlement – la droite chrétienne-démocrate et la gauche sociale-démocrate – n'aura paru aussi fragile. Bousculée sur la scène internationale par l'Amérique de Trump en guerre contre le multilatéralisme et par les ambitions diplomatiques et économiques inextinguibles de la Chine, l'Union Européenne se trouve minée en interne par la montée des populismes. Des populismes qui rêvent tous d'une Europe des nations bunkérisée par d'improbables règles protectionnistes et nationalistes qui sont la négation même de l'idéal européen, tel que défini par Jean Monnet comme «l'union des Hommes» plus que la coalition des Etats. Pire, les élections de mai sont d'ores et déjà la cible de cyberattaques massives, notamment en provenance de Russie, et les fake news polluent déjà les débats et les réseaux sociaux.
Face à ces défis, les partis de l'arc républicain sont-ils à la hauteur ? Face à ces dangers, les formations politiques françaises ont-elles pris la mesure des enjeux ? Assurément pas. Certaines listes ne sont toujours pas entièrement constituées, le choix de leur leader et de leurs membres donne ou a donné lieu à une cuisine politicienne peu ragoûtante dans laquelle les jeux de pouvoirs et les petits arrangements semblent être une règle. À droite – souvent – comme à gauche – parfois – il apparaît plus important de recaser de vieilles gloires en manque de visibilité ou d'indemnités parlementaires que de construire des programmes clairs avec des équipes mixant renouvellement et expérience. L'entrée en scène théâtrale et ratée de Nathalie Loiseau, l'incapacité des partis de gauche à se présenter unis ou la reconduction d'anciens ministres des Républicains à droite illustre tout cela.
Le 5 mars dernier, Emmanuel Macron a bien tenté de prendre de la hauteur en adressant une «lettre aux citoyens européens», mais l'étoile du Président qui se voulait leader du camp progressiste face aux nationalistes a bien pâli. Et in fine, sa «Renaissance européenne» – qui a le mérite d'exister – lance davantage la campagne électorale qu'elle ne relance l'Europe.
Pour autant, tout n'est pas perdu. Deux éléments redonnent espoir. Le premier, c'est l'immense manifestation en faveur d'un second référendum sur le Brexit, qui a réuni des centaines de milliers de Britanniques ce week-end à Londres. Cette marche sonne comme un avertissement : les lubies europhobes et les propositions mensongères des nationalistes conduisent au chaos. Veut-on vivre à l'échelle de l'Europe l'imbroglio britannique ? Le second motif d'espoir réside dans les derniers sondages : entre 59 % et 62 % des Français sont intéressés par les élections européennes et 51 % disent qu'ils voteront en fonction du projet des listes. Pour la classe politique française, c'est le moment d'être à la hauteur.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 26 mars 2019)