Accéder au contenu principal

Cas d'école

aeroport


La privatisation de l'aéroport de Toulouse-Blagnac restera sans nul doute un cas d'école, doublé d'un feuilleton politico-économique digne d'un thriller. Repoussée en 2011 devant la fronde des élus locaux, la privatisation partielle a été réalisée aux forceps en 2014 dans des conditions où la transparence n'a pas été – c'est le moins qu'on puisse dire – la qualité première. Pour rappel, l'État, via l'Agence française des participations, souhaitait se séparer de ses actifs dans l'aéroport toulousain en vendant 60 % du capital qu'il détenait. L'opération devait se faire en deux temps : 49,9 % d'abord, les 10,1 % ensuite. En avril 2015, un groupe chinois inconnu, Casil Europe, remporte la mise et apparaît donc comme actionnaire minoritaire. Sauf qu'un pacte d'actionnaires secret a été conclu entre l'État et Casil, le premier s'engageant à suivre les orientations stratégiques du second pour développer un aéroport déjà dynamique, qui avait jusqu'à présent été très bien géré et disposait de substantielles réserves pour grandir. Rapidement, les ambitions de Casil se sont surtout révélées être plus financières que de développement : le groupe chinois a très tôt réclamé le versement de dividendes conséquents. Voyant qu'il n'arriverait pas à obtenir ce qu'il voulait (l'État a renoncé à vendre les 10,1 % restant), et confronté à des collectivités locales actionnaires vigilantes, Casil a donc décidé de vendre ses parts en espérant réaliser au passage une belle plus value.

Quatre candidats français plus ou moins expérimentés dans la gestion des aéroports lorgnent la part des Chinois, mais rien ne dit qu'un nouvel acteur chinois n'atterrirait pas sur un dossier qui a été critiqué de toutes parts.

En octobre dernier, la Cour des comptes a rendu un rapport au vitriol sur la vente de 2015, concluant à « un échec de la privatisation de l'aéroport de Toulouse ». Et ce lundi, on a appris que le rapporteur général près la cour administrative d'appel de Paris, saisie par l'opiniâtre Collectif contre la privatisation et trois syndicats, a préconisé purement et simplement l'annulation de la vente de 2015, relevant la violation patente du cahier des charges par Casil.

En attendant la décision judiciaire qui doit être rendue dans quelques semaines, la rocambolesque privatisation de l'aéroport de Toulouse apparaît comme particulièrement embarrassante pour le gouvernement, qui souhaite privatiser Aéroports de Paris (ADP).

Le gouvernement aurait pu espérer s'appuyer sur un succès de la privatisation de l'aéroport de Toulouse ; le voilà qui se retrouve avec une épine dans le pied et doit gérer ses propres contradictions. Car l'exécutif justifie d'un côté la privatisation d'ADP en expliquant que l'État n'a pas vocation à gérer les contrats de boutiques de duty-free à Orly et Roissy… oubliant qu'ADP est d'abord une infrastructure stratégique qui lui verse de confortables dividendes ; et d'un autre côté explique que les fruits de la vente abonderont un fonds pour financer des start-up dont l'avenir est souvent incertain. Vérité dogmatique en deçà, erreur au-delà ? Pas étonnant dès lors que l'opposition à la privatisation d'ADP ne cesse de grossir, renforcée par le cas d'école toulousain…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 13 mars 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

L'indécence et la dignité

C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas. Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter l