La réforme de la fonction publique, présentée hier en Conseil des ministres par le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, et son secrétaire d'État, Olivier Dussopt, va-t-elle permettre de moderniser les services publics comme le proclame le gouvernement, ou, au contraire, en entériner leur recul selon les syndicats qui rejettent unanimement le texte ?
Le projet de loi, qui doit être adopté «avant l'été» pour une application «au 1er janvier 2020», présente en tout cas toute une série de mesures à même de hérisser les fonctionnaires : recours accru aux contractuels, rémunération individualisée au mérite, réforme des instances de représentation du personnel calquée sur ce qui a été décidé pour les entreprises par les ordonnances Pénicaud en 2017, renforcement de la mobilité, ruptures conventionnelles, etc. Les syndicats de fonctionnaires craignent un démembrement de fait de la fonction publique et la fin d'un statut que la réalité du travail quotidien des agents publics justifie encore amplement. Appliquer les méthodes du privé au public ? Très peu pour eux.
Sur cette réforme déjà explosive, Gérald Darmanin a jeté mardi un peu plus d'huile sur le feu en évoquant le temps de travail. S'appuyant sur un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) montrant que 310 000 agents de l'Etat sur 1,1 million travaillent moins que le seuil légal de 1 607 heures par an, le ministre a glissé qu'il «souhaiterai (t) que dans la Fonction publique d'Etat et la Fonction publique territoriale, les fonctionnaires fassent 35 heures comme tous les Français qui travaillent dans une entreprise.» Agiter – à dessein ? – le chiffon rouge des «fonctionnaires qui ne travaillent pas assez» et opposer public et privé est pour le moins très maladroit. L'ambitieux ministre n'aurait-il pas dû, plutôt que de stigmatiser, amener au contraire un peu de sérénité ?
Car ce dossier en manque cruellement alors même qu'il aurait pu dégager un consensus. Il est aussi légitime de mettre sur la table la hausse de 49 % de fonctionnaires en vingt ans dans les collectivités territoriales, la baisse de la d épense publique, que d'évoquer la rémunération, les conditions de travail et les évolutions de carrière des fonctionnaires. Pour honorer la promesse présidentielle qui doit permettre la suppression de 120 000 agents sur le quinquennat, le gouvernement a confondu vitesse et précipitation en ne donnant pas suffisamment leur place aux corps intermédiaires que sont les syndicats.
À l'heure où le bras de fer commence entre l'exécutif et les syndicats, il va pourtant bien falloir trouver le chemin du consensus, car la crise des Gilets jaunes comme les discussions du Grand débat ont montré combien les Français souhaitaient une réforme mais surtout combien ils étaient attachés aux fonctionnaires et à des services publics près de chez eux. La recherche de cet équilibre se fera davantage par l'écoute, la concertation et le dialogue que par l'agitation de chiffons rouges…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 28 mars 2019)