Accéder au contenu principal

Transparence et pédagogie

linky


Il aurait pu être l'instrument visible et consensuel au service de la transition écologique ; l'outil personnel des Français pour comprendre et améliorer leur consommation d'électricité ; le dispositif permettant à la France, à l'instar d'autres pays européens, de bâtir un réseau électrique performant. Las ! Depuis le début de son déploiement il y a bientôt quatre ans, il ne se passe pas une semaine sans que des habitants, ici dans un immeuble en copropriété, là dans le lotissement d'un village, ne contestent l'installation du compteur connecté Linky.

Depuis des mois, des Français rouges de colère ne veulent pas du boîtier vert-jaune qu'on leur impose et qui est déjà installé dans 17 millions de foyers sur 35 à équiper d'ici 2021. Pour la première fois, ces opposants au nouveau compteur viennent d'obtenir une victoire judiciaire. Une juge des référés de Toulouse, saisie, notamment, par l'opiniâtre avocat toulousain Me Lèguevaques, a entendu les plaintes portées partout en France par quelque 5 000 demandeurs. Sur la foi de certificats médicaux de plaignants versés aux débats, la juge a ordonné le 12 mars à Enedis de ne pas installer le compteur Linky chez ces particuliers et de distribuer le courant électrique sans avoir recours au courant porteur en ligne (CPL), par lequel transitent les données de consommation.

En attendant de savoir quelles suites donnera la justice au référé toulousain et quelle sera l'attitude des autres tribunaux saisis, la contestation du compteur Linky permet de tirer deux enseignements.

Le premier concerne la difficulté que rencontre de plus en plus la science à s'imposer naturellement dans le débat public. Car la défiance envers Linky procède des mêmes mécanismes que l'on observe à propos de la prétendue nocivité des vaccins ou de la réalité du réchauffement climatique. Face à des faits scientifiques parfaitement documentés et vérifiables, on oppose ce qui relève davantage d'opinions, parfois bâties sur des études biaisées ou incomplètes. Au nom d'un principe de précaution poussé à l'extrême, on remet en cause des politiques – sanitaires, écologiques, énergétiques – pourtant utiles pour préparer l'avenir du pays. Là où, par le passé, ces discours d'opposition restaient marginaux, ils sont aujourd'hui amplifiés et auto-entretenus par la caisse de résonance de réseaux sociaux où pullulent les fake news. Il n'est bien sûr pas question de remettre en cause la souffrance que peuvent ressentir, de bonne foi, des personnes, se disant électrosensibles aux ondes. Mais en l'espèce, il est urgent de laisser les chercheurs travailler sereinement pour lever les inconnues.

Le deuxième enseignement de la fronde anti-Linky montre que sur des projets d'aussi grande ampleur, qui concernent la quasi-totalité de la population, l'exigence de transparence doit être poussée à son maximum. L'imposition du compteur à la hussarde, les pratiques parfois très intrusives de sous-traitants sous pression, les questions légitimes qui persistent sur l'utilisation finale des données récoltées ont installé de l'inquiétude, de la défiance et, parfois, de farouches oppositions. Plus que de la communication, il faut donc aujourd'hui, d'évidence, faire davantage de pédagogie pour lever les doutes et apporter aux Français des garanties suffisantes.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 21 mars 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

L'indécence et la dignité

C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas. Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter l