L'expression est sans doute l'une des plus utilisée par les hommes et les femmes politiques, les organisations syndicales et patronales, les économistes de Bercy ou les statisticiens de l'Insee, les think-tanks ou les associations de solidarité, et évidemment par les Français eux-mêmes, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle à laquelle ils appartiennent. Le «pouvoir d'achat» – puisque c'est de lui dont il s'agit – se conjugue toujours avec une multitude de verbes et d'adjectifs : il faut en redonner, l'augmenter, le soutenir, le préserver ; il faut qu'il soit juste, équitable, développé, renforcé. De l'hémicycle de l'Assemblée nationale à l'Elysée, de la manifestation syndicale au bistrot du coin, de la machine à café entre collègues aux repas de famille, il s'agit là d'un sujet de conversation sans fin sur lequel chacun a un avis. L'expression est tellement usée, presque galvaudée, qu'on en oublie presque ce qu'elle signifie, ce qu'elle recouvre profondément.
Notre enquête mensuelle BVA-La Dépêche réalisée dans le cadre de l'Observatoire de la vie quotidienne des Français et consacrée ce mois-ci aux Français et à la gestion de leur budget, redonne de la chair au pouvoir d'achat, qui est pour beaucoup de nos concitoyens tout simplement le pouvoir de vivre. Derrière la majorité des personnes interrogées qui pensent que leur pouvoir d'achat risque de diminuer dans les mois à venir (57 %) se trouve en fait la crainte du déclassement et, surtout, la peur de devenir pauvres dans les prochaines années. 44 % le pensent, un pourcentage en hausse de 7 points en trois ans ! Cette inquiétude sourde de voir ses enfants vivre moins bien que soit est – à tort ou à raison – bien palpable, particulièrement auprès de certaines catégories de Français, les ruraux, les péri-urbains. Cette inquiétude explique pour partie l'émergence du mouvement des Gilets jaunes et elle a été bien présente dans les contributions ou lors des réunions locales du Grand débat national.
Ces Français inquiets sont dès lors en attente de gestes forts de la part du gouvernement. En annonçant en décembre un premier train de mesures de 10 milliards d'euros en faveur du pouvoir d'achat, auxquels s'ajoute près d'un milliard de primes exceptionnelles distribuées par les entreprises, Emmanuel Macron a favorisé le pouvoir d'achat. Peut-il aller plus loin et répondre favorablement aux 86 % de Français, qui, selon un sondage Viavoice, estiment que le Grand débat doit «réorienter la politique économique et sociale» du gouvernement ? Dit autrement, le Président, toujours désireux de garder son cap économique, plutôt marqué au centre droit depuis le début du quinquennat, peut-il apporter, en même temps, des réponses qui relèveraient finalement davantage d'une politique de gauche ?
Réponse d'Emmanuel Macron dans quelques jours.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 30 mars 2019)