Menhirs 1, éoliennes 0. On pourrait trivialement résumer ainsi l’affaire du parc éolien de Porspoder, dans le Finistère, dont l’autorisation préfectorale a été annulée par la justice administrative cette semaine, car les trois éoliennes envisagées étaient prévues trop proches des menhirs de granit rose de Kergalou. Le préfet, qui a autorisé le projet en 2022, était passé outre les avis défavorables de l’architecte des bâtiments de France, des deux communes concernées et de la commissaire de l’enquête publique. Cette affaire, un rien clochemerlesque, pourrait évidemment prêter à sourire, mais elle illustre les vents contraires qui, régulièrement partout en France, soufflent sur les projets de parcs éoliens qu’ils soient sur terre ou sur mer.
D’un côté, les opposants dénoncent pêle-mêle la défiguration des paysages, les nuisances sonores, l’impact sur la biodiversité ou la faune et la dépréciation immobilière. Une peur parfois instrumentalisée par des discours alarmistes et des informations tronquées, qui alimentent la défiance envers le moindre projet éolien. Des arguments qui, s’ils peuvent paraître parfois exagérés, ne sont toutefois pas à balayer d’un revers de main. S’y ajoutent les critiques récurrentes de certains experts qui dénoncent le coût colossal de l’éolien, son intermittence, notre dépendance à des industriels étrangers, ou encore son faible impact dans la nécessaire diminution des émissions de gaz à effet de serre. Fustigeant un engouement pour l’éolien qu’ils attribuent à un débat médiatique peu rigoureux, ils estiment que les fonds consacrés à l’éolien auraient été plus efficaces dans l’isolement des logements ou des actions pour davantage de sobriété énergétique.
De l’autre côté, les défenseurs de ces moulins à vent modernes brandissent l’étendard de l’urgence climatique. Les éoliennes, affirment-ils, sont une réponse concrète et immédiate à la nécessité de décarboner notre mix énergétique. Avec en 2023 une production de plus de 50 TWh, l’éolien terrestre et en mer représente désormais plus de 10 % de la consommation nationale annuelle d’électricité. En cinq ans, la production annuelle d’électricité d’origine éolienne a augmenté de plus de 80 %, avec une hausse de plus de 30 % entre 2022 et 2023. Ce n’est pas rien à l’heure où l’on cherche à sortir des énergies fossiles polluantes. Enfin, la filière éolienne s’est désormais bien structurée et représente plus de 30 000 emplois.
Comment sortir de cet affrontement ? Comment concilier l’impératif écologique et l’acceptabilité sociale des éoliennes ? Michel Barnier, qui ne manque pas une occasion de parler de la dette écologique et de rappeler qu’il fut ministre de l’Environnement, s’est, d’évidence, posé ces questions et, lors de son discours de politique générale mardi, a assuré qu’il souhaitait mieux prendre en compte « l’impact » des énergies renouvelables. De fait, l’affaire bretonne, qui est intervenue après une série de mesures de concertation et d’engagements déjà pris en 2021, montre qu’il y a des marges de progrès en matière de transparence, de concertation et de pédagogie.
Si le gouvernement veut être à l’écoute, il n’en garde pas moins le cap sur lequel la France s’est engagée : une croissance de 1,5 GW par an pour l’éolien terrestre et un objectif de 45 GW d’éolien en mer. Car comme l’a martelé RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 », « atteindre la neutralité carbone est impossible sans un développement significatif des énergies renouvelables » et, selon France renouvelables, « l’électrification massive des usages à horizon 2035 sera principalement soutenue par les énergies renouvelables. »
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 4 octobre 2024)