Accéder au contenu principal

Menace invisible

pesticide

Chaque jour, des millions de Français sont exposés, à leur insu, à une menace invisible : un cocktail toxique de pesticides. Ces substances, censées protéger nos cultures, s’infiltrent insidieusement dans notre environnement, notre alimentation et finalement, dans nos corps. Et cela est particulièrement vrai pour les riverains de champs où se font des épandages et qui entendent faire bouger la réglementation avec une action collective défendue par l’ancienne ministre de l’Environnement, l’avocate Corinne Lepage.

Depuis plusieurs années, de nombreuses études scientifiques ont démontré les dangers de l’exposition chronique des populations à ces substances chimiques. Cancer, troubles neurologiques, perturbations endocriniennes : la liste des maux potentiellement liés aux pesticides s’allonge année après année. Malgré cela, l’industrie chimique persiste à minimiser les risques, s’abritant derrière le sacro-saint principe du « doute raisonnable ». Le lobby de l’industrie phytosanitaire consacre des moyens colossaux pour faire pression sur les décideurs politiques mais aussi sur les scientifiques et militants qui travaillent sur le sujet. Une enquête du Monde a récemment dévoilé l’existence d’une plate-forme américaine privée baptisée « Bonus Eventus » qui a accumulé et partagé des informations personnelles sur des scientifiques et des militants critiques des OGM ou des produits phytosanitaires pour mieux les décrédibiliser…

Objectif de toutes ces actions : retarder l’interdiction des pesticides les plus dangereux comme le glyphosate. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait classé ce célèbre herbicide comme cancérogène probable pour l’homme et depuis les études controversées se succèdent. Mais en 2023, plutôt que d’appliquer le principe de précaution, la Commission européenne a annoncé le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour dix ans.

C’est que l’usage des pesticides ne soulève pas que des questions de santé publique. Il en va aussi de la souveraineté alimentaire. Ainsi pour revenir au glyphosate tant décrié, son efficacité et son faible coût en font un outil précieux pour de nombreux agriculteurs. Certains aimeraient pouvoir s’en passer mais que faire faute d’alternative plus respectueuse de l’environnement et de la santé ? Trouver ces alternatives viables à grande échelle est, d’évidence, un défi colossal, qui nécessite des investissements massifs en recherche et développement, des collaborations internationales fortes et évidemment une volonté industrielle au rendez-vous. Pouvons-nous vraiment faire l’économie de cet effort alors que la santé des générations futures et l’équilibre de nos écosystèmes sont en jeu ?

En attendant, l’Union européenne, malgré ses faiblesses, reste notre meilleur rempart contre les dérives de l’industrie agrochimique, notamment pour définir une harmonisation des réglementations plus stricte et plus transparente à l’échelle du continent, pour éviter une concurrence déloyale entre États membres et aussi pour muscler la recherche scientifique.

Pionnière en matière de réglementation des pesticides, la France peut et doit être une force motrice en Europe pour accompagner la transition de notre modèle agricole vers des pratiques plus durables. Le Premier ministre Michel Barbier, qui fut ministre de l’Agriculture, connaît bien la question : il avait lancé l’objectif de réduction de 50 % de la quantité de pesticides avec le plan Ecophyto ou fait la loi Barnier qui a établi le principe du pollueur payeur. Il faut aller plus loin.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 21 octobre 2024)

Posts les plus consultés de ce blog

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...