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Peau de chagrin

 

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Ce n’est pas la première fois que nous abordons dans notre journal les difficultés pour les Français de décrocher des rendez-vous médicaux chez un dermatologue, un ophtalmologiste, un cardiologue, voire un dentiste ou simplement un médecin généraliste. Si nous y consacrons à nouveau un dossier, c’est parce que nous recevons régulièrement de nombreux témoignages de lecteurs exaspérés de rencontrer de telles difficultés et accablés d’être confrontés très concrètement à cette pénurie de médecins qui créent des déserts médicaux bien réels.

Ce phénomène, qui semble s’aggraver d’année en année, touche particulièrement les dermatologues, ces spécialistes essentiels à notre bien-être cutané. Mais au-delà des problèmes de peau, c’est tout notre tissu médical qui s’effiloche, laissant de nombreux Français totalement démunis, comme l’a montré l’étude récente de la Fondation Jean Jaurès, intitulée « Cartes de France de l’accès aux soins ». Celle-ci, publiée en avril dernier, a dressé un constat alarmant en révélant des disparités criantes entre les territoires, avec des zones urbaines relativement bien dotées et des régions rurales en souffrance. Dans certains départements, obtenir un rendez-vous chez un dermatologue ou une autre spécialité relève de l’exploit, avec des délais d’attente pouvant atteindre plusieurs mois, voire plus d’un an. Cette situation ubuesque pousse certains patients à parcourir des dizaines de kilomètres pour consulter, quand d’autres renoncent tout simplement aux soins.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Les raisons sont multiples et complexes. Le numerus clausus, longtemps trop restrictif, a limité le nombre de médecins formés. La féminisation de la profession, bien que positive à bien des égards, a entraîné une modification des pratiques avec davantage de temps partiel. L’attrait des grandes villes au détriment des zones rurales a accentué les déséquilibres territoriaux. Sans oublier le vieillissement de la population médicale, avec de nombreux départs de médecins à la retraite non remplacés.

Face à cette situation, il est vraiment urgent d’agir. Des initiatives prometteuses ont vu le jour, comme les maisons de santé pluridisciplinaires, notamment développées en Occitanie. Ces structures permettent de mutualiser les moyens et d’offrir une prise en charge globale aux patients. Elles constituent aussi un atout pour attirer de jeunes médecins dans des zones moins favorisées, en leur proposant des conditions d’exercice attractives et un cadre de vie agréable.

La télémédecine représente aussi une autre piste intéressante, permettant de désengorger les cabinets, de réduire les délais d’attente et d’offrir un accès aux soins dans les zones les plus reculées. Même si sa rentabilité reste à parfaire, l’arrêt des cabines H4D le montre. Cependant rien ne remplace totalement le contact humain et l’examen clinique en présentiel.

Depuis plusieurs années, ces problèmes sont sur la table et il est temps que l’État impulse enfin les bonnes solutions. Gageons que Michel Barnier, qui a assuré vouloir déployer plus rapidement « des bus de santé et les regroupements de professionnels de santé, la télémédecine, la télésurveillance » trouve les moyens de ces ambitions pour éviter que la santé ne devienne pour certains Français une peau de chagrin.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 14 octobre 2024)


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