L’ours des Pyrénées pourrait-il un jour disparaître ? Cette question pourrait paraître incongrue puisque depuis le lâcher de l’ourse slovène Ziva, le 19 mai 1996 sur la commune de Melles, en Haute-Garonne, la réintroduction du plantigrade dans le massif a rempli ses objectifs. Actuellement on compte, en effet, quelque 76 ours entre Pyrénées occidentales et centrales selon le dernier rapport de l’Office français de la biodiversité (OFB) ; un nombre en hausse par rapport à 2021 (74) et 2020 (64) qui montre une dynamique démographique positive. Mais cette population souffre d’un mal identifié depuis plusieurs années : la consanguinité. Le célèbre ours Pyros, introduit en 1997, a longtemps été le père de tous les oursons jusqu’à sa disparition en 2017. Une situation qui a augmenté le taux de consanguinité qui, selon les spécialistes aujourd’hui, a doublé quinze ans. Conséquence pour la population de plantigrades: des risques concernant la baisse de la fertilité et une fragilité accrue face aux épidémies.
Le remède : veiller à ce qu’il y ait de nouveaux ours pour renouveler le patrimoine génétique, et donc, à minima, remplacer chaque ours tué par l’homme. Simple, basique ... mais théorique.
Car depuis vingt-cinq ans, le dossier ours est miné par les oppositions entre les pro et les anti, chacun campant sur sa logique et sur deux idées que l’on se fait de la place de l’homme dans la montagne. D’un côté, fortes du soutien d’une opinion publique qui méconnaît souvent l’économie de la montagne et le quotidien des éleveurs qui y vivent à l’année, des associations de défense de l’environnement et de la biodiversité : à l’heure où les alertes se multiplient sur l’effondrement de la biodiversité dans le monde, préserver l’ours, estiment-elles à raison, doit être, comme pour d’autres espèces menacées, un devoir. C’est aussi un engagement international fort de la France.
De l’autre, des éleveurs qui veulent tout simplement vivre dans la montagne et n’en peuvent plus des déprédations attribuées aux ours qui, même si elles sont correctement indemnisées, constituent un stress permanent. Car ces éleveurs sur le pont toute l’année pour leurs bêtes ont consenti de nombreux efforts pour sécuriser leurs troupeaux avec des chiens Patou ou réalisé des aménagements. Ils sont aussi engagés dans des démarches de valorisation et de labellisation de leur production qui participent à la renommée de la région, autant que l’image de l’ours peut en être un emblème porteur pour le tourisme.
Depuis vingt-cinq ans ces deux mondes, où les positions nuancées restent rares, s’affrontent avec au milieu l’Etat, qui n’a jamais réussi à faire émerger un dialogue constructif, semblant donner tantôt raison aux uns, tantôt aux autres. Et parfois, l’exaspération gagne les esprits de certains, prêts à prendre les armes façon commando du FLNC, promettant l’ouverture de la chasse à l’ours - ce qui leur vaut de comparaître devant la justice.
Comment concilier deux visions de la montagne au XXIe siècle, à la fois source d’activité économique et écrin de biodiversité ? Personne n’a encore trouvé la solution miracle pour répondre à cette question. Mais ce jeudi, la Région Occitanie installe son nouveau Parlement de la Montagne, une instance de concertation qui peut créer les conditions d’un dialogue apaisé au service de tous.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 19 avril 2023)