Tous les Français auront-ils un accès à l’internet haut débit en 2025 ? À deux ans de l’échéance, une réponse positive à cette question semble pour l’heure bien hasardeuse. La promesse du plan France Très Haut Débit, lancé par François Hollande en février 2013, visait à couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit en 2022. Une date repoussée ensuite à 2025 voire 2030 pour certaines régions. Des délais rallongés qui s’expliquent par la complexité et l’immensité du chantier où interviennent de multiples acteurs : État, opérateurs, collectivités qui elles-mêmes ont parfois investi dans des réseaux locaux. Pour atteindre ces ambitieux objectifs de couverture, le secteur a parfois confondu vitesse et précipitation, au détriment des usagers finaux.
Les témoignages comme ceux que nous avons recueillis sont toujours nombreux : sous-traitants qui réalisent mal les raccordements, frais supplémentaires pour les consommateurs, pressions des opérateurs pour « vendre » la fibre qui confinent parfois au harcèlement. Et puis aussi complexité technique pour les abonnés des territoires ruraux... et parfois urbains. Certains Toulousains ont attendu des années pour avoir la fibre faute de pouvoir être raccordés comme leurs voisins de quartier…
Résultat : le secteur internet fixe génère nettement plus de plaintes et d’insatisfactions que celui du mobile comme vient de le démontrer l’Observatoire des plaintes et insatisfactions dans les télécoms conduit par l’Association française des utilisateurs de télécommunications (Afutt). Le taux de conflictualité sur le fixe est aujourd’hui 7 fois supérieur à celui du mobile, note l’association de défense des consommateurs, qui déplore qu’aucun des quelque 126 opérateurs d’infrastructures en fibre optique ne satisfait à l’ensemble des critères de qualité de service définis par l’Arcep, le gendarme des télécoms. Les opérateurs télécoms ont, en effet, largement confié l’effort de raccordement fibre à des sous-traitants en cascade, avec parfois jusqu’à quatre rangs de sous-traitance.
Face à cette situation, le ministre chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot, a réuni en septembre dernier les opérateurs pour mettre en place un train de mesures afin d’améliorer la situation, notamment la formation des sous-traitants avec un label à la clé et la réduction de la sous-traitance. Le ministre a également plaidé pour un New Deal Fibre avec les opérateurs, à l’image du New Deal Mobile signé en 2018. En échange du bouclage du chantier de la fibre, le ministre est prêt à réviser la taxe Ifer (Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux).
L’aboutissement du plan très haut débit est, d’évidence, un enjeu pour le pays, les particuliers comme les entreprises, d’autant plus que depuis la crise Covid, la numérisation de la société s’est accélérée, et que le réseau cuivre va prochainement disparaître. En dépit des difficultés, la France n’a pas à rougir : elle figure dans le Top20 de l’OCDE des pays fibrés. Le défi va désormais consister à s’assurer que tous les citoyens, quel que soit l’endroit où ils résident (zone rurale ou montagneuse) puissent prétendre, avec un coût raisonnable, à un « droit au très haut débit » devenu incontournable.*
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 10 avril 2023)