Des Français contraints d’attendre jusqu’à trois mois pour obtenir ou renouveler leur passeport ou leur carte nationale d’identité, d’autres effectuant des centaines de kilomètres pour espérer décrocher un rendez-vous dans une autre mairie très éloignée de leur domicile, des mairies insuffisamment équipées en matériel, notamment de collecte biométrique, et noyées sous un flot de demandes… La délivrance des titres d’identité en France subit de multiples dysfonctionnements indignes d’un grand pays comme le nôtre, surtout si on compare nos délais moyens avec ceux en vigueur chez nos voisins comme l’Espagne.
Le gouvernement invoque les effets de la pandémie de Covid-19 qui avait mis un coup d’arrêt aux procédures. En mai dernier, il avait lancé un plan d’urgence pour essayer d’absorber les demandes. L’augmentation du nombre de dispositifs permettant de recueillir des demandes de titres (+15 %), l’incitation des Français à faire une pré-demande en ligne pour faciliter le travail des agents de l’état-civil, le déblocage d’une dotation exceptionnelle de 14 millions d’euros pour les mairies disposant de dispositifs de recueil, et la création de 29 centres temporaires d’accueil ont permis de raccourcir les délais, de 90 à 50 jours en moyenne. Mais pas encore assez…
La ministre déléguée chargée des collectivités, Dominique Faure, a fait de nouvelles annonces en janvier, notamment l’installation de 500 nouveaux dispositifs de recueil pour les mairies et une hausse de 20 millions d’euros supplémentaires pour les communes au titre de la dotation pour les titres sécurisés. Cela sera-t-il suffisant pour faire face à des demandes exponentielles ? Car on est passé de 9,7 millions de demandes en 2019 à 14,2 millions estimées en 2023, soit +56 % de demandes supplémentaires en janvier 2023 par rapport à janvier 2022, +60 % en février 2023 par rapport à 2022.
Le gouvernement évoque toujours le contrecoup du Covid et l’envie des Français de voyager à l’étranger, mais aussi le fait que les documents d’identités sont désormais exigés pour de plus en plus de démarches. Voire, car côté syndical on souligne d’une part que le passage à la carte d’identité sécurisée a compliqué les choses plutôt que de les simplifier, notamment pour les communes non équipées de machines d’enregistrement, et d’autre part que l’administration subit la baisse du nombre de guichets.
Face à cette situation qui conforte tous ceux qui dénoncent la déréliction des services publics ces dernières années, la ministre, qui en appelle judicieusement à la solidarité intercommunale, se veut rassurante et promet de substantielles améliorations. Gageons qu’elles seront au rendez-vous car la France doit faire face à un autre chantier tout aussi complexe : celui de l’identité numérique. L’application France identité que les citoyens pourront installer sur leur smartphone pour prouver facilement leur identité auprès de services administratifs sur internet a pris du retard. Dans ce domaine, la France est loin derrière l’Estonie qui fait figure de pionnier et d’exemple dans le monde entier. Papiers physiques ou numériques, sur cette mission régalienne, il est temps pour l’Etat de redresser la barre.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 3 avril 2023)