« On n’a pas le choix, on s’équipe. C’est terrible. » Comme un cri du cœur, Thierry Cotillard, président du groupement « Les Mousquetaires », commentait le mois dernier la décision de son enseigne d’équiper certains produits alimentaires d’antivols. Terrible de voir, effectivement, que certains Français, écrasés par une vertigineuse hausse des prix qui dure depuis le début de la guerre en Ukraine il y a 16 mois, sont réduits à commettre des vols, non pas pour mieux manger mais pour manger tout court. Une situation qui pourrait malheureusement continuer puisqu’hier on apprenait que l’inflation a rebondi à 5,9 % sur un an en avril en France, après avoir ralenti à 5,7 % en mars. Et si la hausse des prix des produits alimentaires a en revanche été moins rapide qu’au mois de mars, puisque leurs prix ont progressé de 14,9 % sur un an après avoir tutoyé les 16 % le mois précédent, l’inflation alimentaire est devenue en 2023 le principal moteur de l’inflation, supplantant l’énergie. Et les prix devraient continuer à augmenter jusqu’à l’été. « Le pronostic est entre 23 et 25 % sur l’alimentaire et la droguerie, la parfumerie et l’hygiène d’ici la fin du mois de juin », estimait récemment Dominique Schelcher, PDG de Système U.
Alors que les Français placent toujours le pouvoir d’achat en tête de leurs priorités, le gouvernement - qui a renoncé à son chèque alimentaire - ne peut pas en rester à la seule mise en place de son trimestre anti-inflation. Ce panier lancé mi-mars n’a, d’évidence, pas assez rempli son rôle pour faire baisser le prix des courses des Français. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a récemment demandé que les grands industriels de l’agro-alimentaire reviennent à la table des négociations avec les distributeurs pour revoir à la baisse les contrats qui les lient. La Première ministre Elisabeth Borne a appelé jeudi les industriels à « répercuter » la baisse de leurs coûts de production dans les prix de vente de leurs produits, afin que cela se traduise par des « baisses concrètes, tangibles » sur les tickets de caisse d’ici à la fin juin.
Des appels restés lettre morte, des vœux pieux surtout puisque les négociations annuelles se sont achevées le 1er mars et que les industriels ont obtenu une hausse moyenne des prix de 10 % que les distributeurs vont progressivement répercuter. Les industriels de l’agroalimentaire « feront leur part », a assuré Jean-Philippe André, président de l’Association nationale des industries alimentaires, tout en excluant une renégociation « généralisée ». Comment en serait-il autrement puisque les industriels ont la loi de leur côté ?
Interrogé par des Français lors de ces déplacements, entre deux casserolades, Emmanuel Macron a concédé que la situation serait difficile « jusqu’à la fin de l’été » concernant les prix des produits alimentaires. N’est-il dès lors pas temps que l’exécutif s’engage dans une révision de la loi pour que les négociations se déroulent à flux continu tout au long de l’année pour mieux coller au marché et soulager la pression sur le porte-monnaie des Français ?