Une femme morte en Chine cette semaine de la grippe aviaire H3N8, un virus en circulation depuis 2002 qui n’avait fait jusqu’à présent aucune victime connue chez l’homme. Voilà un décès qui nous interpelle et nous inquiète car il nous rappelle les débuts de l’épidémie de Covid-19 en Chine fin 2019 sur un marché de Wuhan. Si l’origine du SARS-Cov2 prête toujours à discussions, l’hypothèse la plus probable reste bien une contamination animale qui finit par infecter l’Homme. Et ce sont aujourd’hui ces zoonoses qui inquiètent car elles pourraient se multiplier puisque les scientifiques estiment entre 500 000 et 800 000 le nombre de virus d’origine animale qui pourraient toucher l’Homme.
Et que dire de ces scientifiques qui sont parvenus à ramener à la vie des « virus zombies » vieux de 48 500 ans jusqu’à présent enfermés dans le sol gelé de Sibérie mais libérables au fur et à mesure que le pergélisol fond en raison du réchauffement climatique… D’évidence, l’humanité doit se préparer à faire face dans les années à venir à de nouvelles épidémies, provoquées par la résurgence de virus ou bactéries anciens ou de nouveaux agents pathogènes jusqu’ici inconnus.
Ces scénarios de grandes épidémies nourrissent depuis des années des œuvres de fiction, la littérature, le cinéma et désormais les séries. Elles sont parfois prémonitoires comme le film Contagion de Steven Soderbergh sorti en 2011 et qui s’était retrouvé propulsé en tête des plateformes de vidéo à la demande au début de l’épidémie de Covid tant les similitudes entre fiction et réalité étaient fortes. Mais ces scénarios de pandémies ont aussi été pensés par les scientifiques et les services de renseignements. En 2008, les analystes de la CIA dans leur rapport sur l’état du monde en 2025 craignaient déjà l’émergence d’une pandémie semblable à celle du Covid-19, imaginant « l’apparition d’une nouvelle maladie respiratoire humaine virulente, extrêmement contagieuse ».
Il aura peut-être fallu que l’Humanité soit confrontée au Covid-19 pour qu'elle prenne à bras-le-corps cette question de santé publique mondiale. Depuis 2021, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un traité international sur la prévention des pandémies est ainsi en préparation. Mais la tâche est ardue car les questions soulevées, qui doivent tenir compte des erreurs commises avec le Covid, sont complexes. Elles touchent à la souveraineté des États, au nécessaire partage de l’information, à la coopération logistique et scientifique, à la propriété intellectuelle des brevets et des vaccins. Concilier autant d’intérêts souvent frontalement contradictoires relève de la gageure.
Cette coopération multilatérale est pourtant la seule option pour une Humanité que ne se demande plus si de nouvelles épidémies vont apparaître, mais quand. Le temps presse d’autant plus que les activités humaines, la démographie et le réchauffement climatique constituent comme un bouillon de culture propice à l’émergence de nouvelles pandémies… Se préparer à ces futures épidémies, apprendre à anticiper, c’est aussi réfléchir au concept d’une seule santé (One Health), où celle de l’Homme, des animaux et de l’environnement sont intimement liées.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 13 avril 2023)