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Clarté et respect

maire

En tirant ce mois-ci le signal d’alarme sur la hausse inédite des démissions d’élus municipaux - 238 maires, 773 adjoints et 2 976 conseillers - depuis les dernières élections de 2020, David Lisnard, le président de l’Association des maires de France (AMF), soulève un problème qui n’a cessé de s’accroître ces dernières années. Les maires, dont les sondages nous disent régulièrement qu’ils sont les élus préférés des Français, sont, en effet, confrontés à des difficultés aussi nombreuses que diverses : baisse des dotations d’État et bouleversement de l’arrêt de la taxe d’habitation, multiplication des normes et règlements, notamment concernant l’urbanisme, judiciarisation croissante de leur action, difficultés des relations avec l’État voire au sein des intercommunalités, décentralisation imparfaite mais aussi polarisation de la vie politique, consumérisme des administrés, abstention chronique et incivilités croissantes. À ce tableau se sont ajoutées la crise sanitaire du Covid-19 et maintenant la crise énergétique qui bousculent des budgets toujours complexes à bâtir. Pas étonnant que certains élus décident de jeter l’éponge avant même la fin de leur mandat quand 55 % d’entre eux expliquaient en novembre dernier qu’ils ne solliciteraient pas un nouveau mandat en 2026…

En estimant aujourd’hui que la cote d’alerte est atteinte, David Lisnard veut marquer les esprits car le découragement des vocations est un réel danger pour la vitalité de notre démocratie. Si personne ne s’engage au premier échelon politique, celui de la commune, comment continuer à faire Nation dans un pays comme le nôtre dont les quelque 36 000 communes représentent près de 40 % de toutes les municipalités de l’Union européenne ; 36 000 communes, villes et villages, qui constituent la colonne vertébrale du pays et sa spécificité ? Il y a urgence à agir pour endiguer cette désaffection civique des mairies, mais il ne faudrait pas confondre vitesse et précipitation.

Ainsi certains élus - notamment ceux de Renaissance, le parti présidentiel qui peine depuis 2017 a s’ancrer localement - prônent l’abandon d’une des grandes lois du quinquennat Hollande : celle sur le non-cumul des mandats, invoquant tantôt le besoin des députés d’être liés à un territoire, tantôt celui des élus locaux d’avoir des relais nationaux. Le rétablissement de baronnies n’est, d’évidence, pas ce qu’attendent les maires, et il paraît d’autant plus daté que rien n’empêche un député d’être proche du terrain et des élus de sa circonscription, et inversement rien n’empêche un élu local de trouver les bons interlocuteurs nationaux.

Non, les solutions à la hauteur pour répondre à la crise de vocation des maires réclament, plus sûrement que des postures politiciennes, de la clarté et du respect. La clarté, c’est celle qui concerne les compétences de l’État et des collectivités locales. Elle ne se fera qu’avec une décentralisation réelle et efficace que réclament les élus locaux à un État très jacobin et toujours jaloux de ses prérogatives, et sans doute aussi avec un vrai statut de l’élu.

Le respect, c’est celui que l’ensemble de la Nation doit à ses élus engagés 24 heures sur 24 toute l’année au service de l’intérêt général. Respect du sommet de l’État - où depuis six ans Emmanuel Macron rechigne à reconnaître pleinement le rôle des élus locaux - au simple citoyen qui ne doit pas céder à l’insulte ou l’invective.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 11 avril 2023)

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