Accéder au contenu principal

Casseroles

inflation


Les casseroles qui accompagnent désormais chaque déplacement ministériel ou présidentiel – à condition que ces « dispositifs sonores portatifs » ne soient pas interdits par un préfet trop zélé – ne sont pas seulement le moyen pour les manifestants opposés à la réforme des retraites de se faire entendre par l’exécutif, même si ces charivaris s’inscrivent dans l’Histoire pour cela depuis la monarchie de juillet en 1830. Non, ces casseroles vides qui tintinnabulent aux oreilles d’Emmanuel Macron lui rappellent que derrière la réforme des retraites, le sujet de l’inflation et de la spectaculaire hausse des prix dans l’alimentaire est toujours là.

Car si l’Insee a calculé qu’au mois le mars l’inflation avait progressé de +5,7 %, elle a bondi de +15,9 % en 12 mois sur l’alimentaire avec des hausses de +16,5 % sur la viande. Et ce n’est pas fini puisque certains, comme le PDG de Système U, prévoient une hausse comprise entre 23 et 25 % sur l’alimentaire (mais aussi la droguerie, la parfumerie et l’hygiène) d’ici la fin du mois de juin…

Autant dire que la crainte de voir les casseroles rester vides est bien là. Pour les prochaines années du quinquennat, les Français attendent d’ailleurs en priorité, selon un sondage BVA paru hier, que le Président s’attelle à améliorer leur pouvoir d’achat. Pour les deux tiers d’entre eux (64 %), c’est même la priorité absolue. Quel que soit son âge, sa classe sociale ou sa préférence politique, cet enjeu est devenu n° 1 auprès de toutes les catégories de la population et retrouve son niveau de juillet 2022, moment où le Parlement avait voté la loi d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Celui-ci, d’évidence, est devenu la casserole du gouvernement, et plus particulièrement de Bruno Le Maire. Après des mois de tergiversation, le gouvernement s’est résolu à abandonner son « chèque alimentaire » pour lui préférer un « panier anti-inflation » trimestriel censé éviter un « mars rouge » sur les étiquettes. Las, ce panier peine à s’installer d’autant plus que depuis longtemps toutes les enseignes de la grande distribution ont rivalisé d’inventivité pour contenir les prix et conserver leur clientèle avec bons d’achat, prix bloqués sur certains de leurs produits, multiplication des points sur les cartes de fidélité.

Mais cela aujourd’hui ne suffit plus et tous les regards se tournent vers les industriels de l’agro-alimentaire accusés de gonfler indûment les prix et qui viennent d’obtenir une hausse des prix de 10 % au sortir des négociations annuelles avec les distributeurs. Certes, ces industriels sont confrontés à la hausse des coûts des matières premières et de l’énergie et il n’est pas illogique que cela se répercute sur les prix de leurs produits, mais certaines hausses sont parfois injustifiables et en tout cas difficilement attribuables à la guerre en Ukraine qui a bon dos. On passera aussi sur la technique de la shrinkflation employée par certaines marques : le prix affiché ne bouge pas mais l’emballage a été subtilement revu pour faire baisser la quantité de produit, ni vu ni connu. Les Français ne sont pas dupes face à ces profiteurs de crise qui entachent tout le secteur.

Pour sortir de cet épineux dossier, Bruno Le Maire veut rouvrir les négociations. À terme, celles-ci pourraient se dérouler toute l’année, pour coller au mieux à la réalité et au final éviter la crise sociale que craignent les associations de consommateurs.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 22 avril 2023)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Urgence démographique

  Présentées dans la torpeur de l’été, les statistiques démographiques de l’Insee devraient pourtant tous nous inquiéter et nous réveiller. Avec une baisse de 2,2 % du nombre quotidien de naissances moyen entre le premier semestre 2024 et celui de 2025, la France devrait atteindre une nouvelle fois son plus bas niveau depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, et cela pour la quatrième année consécutive, sans que l’on perçoive la possibilité d’un retournement prochain de situation. Dans le même temps, en cumul de janvier à juin, le nombre de décès quotidien moyen est plus élevé en 2025 qu’il ne l’était un an auparavant : + 2,5 %. Implacable logique d’un solde naturel qui montre d’un côté une France qui ne fait pas assez d’enfants, de l’autre une France dont la population vieillit à grande vitesse. Au 1er janvier 2025, 21,8 % des habitants avaient au moins 65 ans, contre 16,3 % en 2005 ; les personnes âgées d’au moins 75 ans représentent désormais 10,7 % de la population, contre 8...