Car si l’Insee a calculé qu’au mois le mars l’inflation avait progressé de +5,7 %, elle a bondi de +15,9 % en 12 mois sur l’alimentaire avec des hausses de +16,5 % sur la viande. Et ce n’est pas fini puisque certains, comme le PDG de Système U, prévoient une hausse comprise entre 23 et 25 % sur l’alimentaire (mais aussi la droguerie, la parfumerie et l’hygiène) d’ici la fin du mois de juin…
Autant dire que la crainte de voir les casseroles rester vides est bien là. Pour les prochaines années du quinquennat, les Français attendent d’ailleurs en priorité, selon un sondage BVA paru hier, que le Président s’attelle à améliorer leur pouvoir d’achat. Pour les deux tiers d’entre eux (64 %), c’est même la priorité absolue. Quel que soit son âge, sa classe sociale ou sa préférence politique, cet enjeu est devenu n° 1 auprès de toutes les catégories de la population et retrouve son niveau de juillet 2022, moment où le Parlement avait voté la loi d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Celui-ci, d’évidence, est devenu la casserole du gouvernement, et plus particulièrement de Bruno Le Maire. Après des mois de tergiversation, le gouvernement s’est résolu à abandonner son « chèque alimentaire » pour lui préférer un « panier anti-inflation » trimestriel censé éviter un « mars rouge » sur les étiquettes. Las, ce panier peine à s’installer d’autant plus que depuis longtemps toutes les enseignes de la grande distribution ont rivalisé d’inventivité pour contenir les prix et conserver leur clientèle avec bons d’achat, prix bloqués sur certains de leurs produits, multiplication des points sur les cartes de fidélité.
Mais cela aujourd’hui ne suffit plus et tous les regards se tournent vers les industriels de l’agro-alimentaire accusés de gonfler indûment les prix et qui viennent d’obtenir une hausse des prix de 10 % au sortir des négociations annuelles avec les distributeurs. Certes, ces industriels sont confrontés à la hausse des coûts des matières premières et de l’énergie et il n’est pas illogique que cela se répercute sur les prix de leurs produits, mais certaines hausses sont parfois injustifiables et en tout cas difficilement attribuables à la guerre en Ukraine qui a bon dos. On passera aussi sur la technique de la shrinkflation employée par certaines marques : le prix affiché ne bouge pas mais l’emballage a été subtilement revu pour faire baisser la quantité de produit, ni vu ni connu. Les Français ne sont pas dupes face à ces profiteurs de crise qui entachent tout le secteur.
Pour sortir de cet épineux dossier, Bruno Le Maire veut rouvrir les négociations. À terme, celles-ci pourraient se dérouler toute l’année, pour coller au mieux à la réalité et au final éviter la crise sociale que craignent les associations de consommateurs.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 22 avril 2023)