C’est un SOS que lancent les maisons de retraite, un cri d’alarme que portent les directeurs et personnels des Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) qui, aujourd’hui, sont à bout pour faire face à une situation de crise d’un niveau jamais vu. Après l’épidémie de Covid-19 qui a bouleversé tout un secteur pendant plusieurs mois, isolant les résidents de leur famille et mobilisant 24 heures sur 24 les personnels, et après le scandale Orpea sur la maltraitance des personnes âgées qui a pu jeter la suspicion sur l’ensemble de la profession, les Ehpad font face maintenant à une double crise : le manque criant de personnels et l’impact de l’inflation.
Le manque de personnels n’est certes pas une nouveauté mais l’absence d’attractivité suffisante des métiers du grand âge provoque de réelles difficultés de recrutement. La profession aurait besoin de quelque 100 000 professionnels soignants en cinq ans, selon les organisations représentatives, le gouvernement en promet le financement pour la moitié, dont 3 000 pour 2023 selon le projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Conséquences : un établissement sur quatre gèle les entrées pour continuer à assurer un encadrement minimal des résidents.
Mais c’est surtout l’inflation galopante qui percute le plus le fonctionnement des Ehpad. Inflation sur les produits alimentaires et inflation sur le coût de l’énergie. Certains établissements ont vu leurs factures énergétiques s’envoler de 600 % ! Intenable. 85 % des directeurs interrogés par la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées prévoient un déficit budgétaire à la fin de l’année 2022. En dépit des promesses de recrutement et des aides à l’énergie du gouvernement, le manque chronique de personnels et l’inflation qui se poursuit mettent en péril certains Ehpad, notamment les petites structures.
Mais la crise des Ehpad apparaît bien plus profonde et concerne l’ensemble de la société française qui va être confrontée à un immense défi : celui du vieillissement. Selon l’Insee, d’ici à 2070, le nombre des 75 ans ou plus devrait croître de 5,7 millions. En 2040, il y aurait 51 personnes de 65 ans ou plus pour 100 personnes de 20 à 64 ans, contre 37 en 2021. La France doit donc urgemment se préparer à ce papy-boom, s’organiser pour faire face à ce défi du Grand âge. En 2020, une nouvelle branche de la Sécurité sociale a été créée avec un cinquième risque, celui de l’autonomie. Depuis, on attend toujours la grande loi sur l’autonomie promise par Emmanuel Macron mais toujours pas mise à l’agenda… Les différentes concertations conduites ces dernières années et notamment celle du Conseil national de la refondation (CNR) Santé lancé le 3 octobre montrent qu’il est désormais temps de sortir des débats et de rédiger cette grande loi qui doit assurer à tous les Français de « bien vieillir ».
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 15 décembre 2022)