Que nous réserve 2023 pour l’économie mondiale, celle de l’Europe et celle de la France ? Après le choc de la guerre en Ukraine qui a déclenché ou exacerbé de multiples crises, énergétiques, alimentaires, commerciales, bousculant les approvisionnements en matières premières, les experts semblent se perdre en conjectures, les uns pronostiquant une récession inéluctable, d’autres tablant sur un retour assuré de la croissance aussi infime soit-il. Autant de projections qui rappellent que l’économie, si elle est régie par de grandes règles, n’est pas une science exacte, n’en déplaise à ceux qui voudraient nous faire croire le contraire. L’économie, c’est aussi des options politiques, des orientations différentes qui s’offrent à nous, des choix à faire, pour le présent et pour l’avenir, pour le court et le long termes, pour les générations d’aujourd’hui et celles de demain.
La crise inflationniste que traverse le monde après la crise du Covid-19 va constituer, on le pressent, un tournant dans l’organisation du monde. La mondialisation heureuse, en tout cas celle qui aura contribué au développement de pays pauvres, à la libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, mais aussi celle qui, par sa face sombre, aura provoqué le déclassement de certaines catégories de population dans les pays développés, arrive à la fin d’un cycle. Cette mondialisation-là est aujourd’hui percutée pour ne pas dire menacée par les questions de souveraineté énergétique, industrielle, alimentaire ; percutée par les questions que pose la transition écologique, ce défi colossal pour lequel on tarde tant à agir, les COP le montrent hélas ; percutée par le retour des protectionnismes ; percutée aussi par l’affaiblissement des démocraties face aux régimes autoritaires et dictatoriaux.
Si l’on ne veut pas que le monde ne se défasse – pour reprendre le mot d’Albert Camus lorsque, le 10 décembre 1957 en recevant son prix Nobel de littérature, il exhortait sa génération à agir pour les suivantes – il faut repenser le monde à l’aune de la nouvelle donne, sortir des dogmes tout en préservant un certain nombre de principes, inventer autre chose. Lorsqu’Emmanuel Macron s’est rendu aux États-Unis pour demander à Joe Biden de mesurer combien sa loi contre l’inflation (Inflation reduction act) avec ses aides massives aux entreprises américaines pouvait être pénalisante pour ses alliés européens, il a été écouté mais sûrement pas entendu par un président américain qui n’a pas l’intention de faire machine arrière. Et pourtant, l’idée de concilier multilatéralisme et souverainisme dans certains domaines semble bien la seule voie possible.
Cette mondialisation 2.0 à inventer devra corriger tous les effets néfastes de la première version à commencer par un juste partage de la valeur. Ce débat a lieu en France et c’est sans doute celui-ci que vont regarder le plus attentivement les Français, particuliers comme entrepreneurs, qui subissent le choc inflationniste de plein fouet en espérant que le monde de demain ne les laissera pas sur le bord du chemin.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 12 décembre 2022)