Il y a trois ans apparaissait à Wuhan, en Chine, un mystérieux coronavirus qui allait déclencher une pandémie d’une ampleur jamais vue, bouleversant le monde et la vie de millions d’habitants. Dans les premiers mois de cette épidémie, alors que chaque pays, en l’absence de vaccin, cherchait à parer au plus pressé, la Chine avait opté pour une stratégie zéro-Covid, c’est-à-dire des mesures implacables basées sur un contrôle très strict de la population, des confinements à répétition touchant des millions de personnes au moindre cas positif, une surveillance permanente par application mobile, des tests PCR à tout bout de champ et des centres de quarantaine aux allures de prisons de haute sécurité. Tout faire pour empêcher le virus de circuler. L’efficacité de cette stratégie, adoptée par d’autres pays du sud-est asiatique, semblait pertinente et efficace alors que l’Occident se débattait, lui, dans des polémiques sur le port du masque, les moyens des hôpitaux et les restrictions aux libertés publiques.
Deux jours après sa nomination au ministère de la Santé, Olivier Véran avait laissé échapper, le 18 février 2020, son admiration devant la capacité de la Chine à mettre en place des mesures aussi drastiques de quarantaine pour des millions d’habitants de la région de Wuhan sans rencontrer la moindre opposition. « La Chine a une capacité de réactivité. Elle a pris ses responsabilités en prenant des mesures de confinement très rapidement. Je ne suis pas sûr qu’il serait possible de réaliser ça dans un pays où les réseaux sociaux seraient ouverts » avait expliqué le ministre, laissant entendre qu’un régime autoritaire comme celui de Xi Jinping, où les libertés individuelles sont quasi inexistantes, serait plus à même de combattre une épidémie que des démocraties où la liberté d’expression et de la presse, et la transparence de l’information sont constitutionnellement garanties… Certains pays occidentaux et leurs dirigeants étaient pareillement fascinés par cette Chine capable de construire en quelques jours des hôpitaux, chercher un vaccin et produire des masques en masse.
Xi Jinping a fait de cette stratégie zéro-Covid l’alpha et l’oméga de son action contre le Covid-19, allant jusqu’à proclamer en septembre 2020, « la victoire du peuple chinois dans la bataille contre le coronavirus », et donc sa victoire personnelle contre l’épidémie. Mais c’était oublier qu’une stratégie zéro-Covid ne marche que dans certaines circonstances et que lorsque le virus s’est diffusé partout, elle n’est plus aussi pertinente. La Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande l’ont compris en sortant de cette stratégie très dure à vivre pour les populations, pour adopter celle du « vivre avec » le virus, qui suppose une bonne immunité vaccinale ou naturelle.
En refusant de voir cette évolution de l’épidémie, en s’accrochant coûte que coûte à sa stratégie initiale avant d’y renoncer brutalement ce mois-ci sous la pression d’une population épuisée par trois années de restrictions, la Chine a pris le risque de vivre un terrible tsunami sanitaire. En desserrant l’étau du zéro-Covid pour une population moins bien vaccinée qu’ailleurs, Xi Jinping a fait un pari mais aussi pris le risque, inconcevable pour tout Chinois, de perdre la face…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 21 décembre 2022)