La crise énergétique que traverse le monde, avec son spectaculaire cortège de hausses de prix sur le gaz et l’électricité – entamé en 2021 et exacerbé par la guerre en Ukraine – peut-elle devenir une opportunité, en Europe et en France ? Peut-elle être ce game changer, ce déclic qui impose de repenser profondément l’énergie ? En tout cas, elle nous oblige à ne plus tergiverser, à ne plus procrastiner sur les questions énergétiques et à agir à la fois pour résoudre l’urgence de l’explosion des factures et pour imaginer un nouveau modèle, à la fois souverain, efficient et respectueux de l’environnement. Quel défi pour l’Europe !
L’urgence, c’est d’abord d’apporter des solutions aux citoyens qui voient leurs factures de gaz et d’électricité flamber ou qui se démènent dans une insupportable précarité énergétique, mais aussi aux petites entreprises dont les factures sont multipliées par cinq ou dix et qui se retrouvent poussées à licencier du personnel voire stopper leur activité pour espérer surnager. La plupart des pays européens ont pris des mesures d’aides, des boucliers tarifaires, et la France est d’ailleurs l’un de ceux qui ont été les plus actifs. On peut déplorer toutefois que, comme pour les vaccins contre le Covid-19, il n’y ait pas eu de meilleure coordination européenne.
Ces solutions d’urgence, très coûteuses pour les États, ne peuvent toutefois être que transitoires et l’Europe doit rapidement penser à revoir son modèle énergétique pour assurer à la fois son indépendance et réussir sa transition énergétique. La Commission européenne, par pur dogmatisme, a souvent commis de graves erreurs en matière d’énergie comme l’ouverture à la concurrence, le couplage des prix du gaz et de l’électricité, le subventionnement parfois acrobatique des énergies renouvelables ou encore le mécanisme complexe du marché du CO2. Martelant qu’elle ne voulait ni « fragmentation » ni « distorsion du marché unique », Ursula von der Leyen fait aujourd’hui des propositions, mais chaque pays membre ayant un mix énergétique, et donc des priorités nationales, différents, le consensus va être très difficile à atteindre. L’énergie met clairement l’unité de l’UE à l’épreuve.
La crise énergétique met aussi chaque pays face à ses propres responsabilités et ses propres choix énergétiques. Parce qu’il est l’actuel président de la République, Emmanuel Macron doit endosser non seulement ses propres choix depuis 2017… mais aussi ceux de ses prédécesseurs, aussi injuste cela soit-il. L’état déplorable de notre parc nucléaire vieillissant, jadis fierté industrielle française, le retard dans le déploiement des énergies renouvelables (éolien terrestre, en mer, photovoltaïque, géothermie ou hydroélectricité), la rénovation thermique des bâtiments très insuffisante : tous ces dossiers – sur lesquels les experts et les associations ont pourtant alerté en vain les pouvoirs publics – doivent être corrigés d’urgence.
Des textes de loi sur les énergies renouvelables et la relance du nucléaire sont en discussion ; il serait dramatique que ces sujets soient freinés par des manœuvres politiques ou électoralistes à courte vue alors qu’il s’agit de préparer le cadre de vie des générations futures.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 9 décembre 2022)