Accéder au contenu principal

Artificiel

pylone


Le propre des crises est qu’elles sont autant des moments de bascule que de vérité et qu’elles révèlent que ce qui apparaissait impensable, incongru ou impossible ne l’était pas forcément. Ainsi lors de la crise du Covid-19, on a vu les 27 pays membres de l’Union européenne mettre de côté les sacro-saintes règles du traité de Maastricht – pas plus de 3 % de déficit public et 60 % d’endettement des États – pour permettre de surmonter la pandémie. Sous l’impulsion notamment de la France, les dogmes budgétaires ont été mis en pause afin de mutualiser de la dette au niveau européen et de bâtir un plan d’aides et de relance pour préserver les économies européennes.

En sera-t-il de même avec un autre dogme européen, celui de la concurrence libre et non faussée, à l’occasion de la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine ? La question se pose à l’heure où les États doivent à la fois repenser leur mix énergétique en se passant des énergies fossiles russes et accélérer la transition écologique vers des énergies moins émettrices de CO2. Deux sujets qui supposent des investissements colossaux pour construire de nouvelles centrales nucléaires ou des parcs éoliens, et la mobilisation sans failles des producteurs nationaux d’énergies comme EDF en France. Dans cette équation est-il pertinent de maintenir la concurrence factice des fournisseurs alternatifs d’énergie, et plus particulièrement d’électricité, qui devient particulièrement coûteuse pour les producteurs historiques et dont on perçoit de moins en moins l’intérêt pour les consommateurs ?

Depuis une loi de 2010, EDF a, en effet, l’obligation de céder à prix fixe – très en dessous du prix du marché – une partie de sa production nucléaire à la concurrence. Une quarantaine de fournisseurs alternatifs – dont certains ne produisent rien par ailleurs – profitent ainsi de ce système, mettent en avant des arguments marketing parfois spécieux (énergie garantie verte, meilleur service client…) et bâtissent des offres calées sur le tarif régulé ou sur celui du marché. Que le marché flambe comme aujourd’hui et des consommateurs se retrouvent avec des factures exorbitantes.

Dans une étude publiée l’an dernier, l’association de défense des consommateurs CLCV, dénonçait ainsi une ouverture du marché de l’électricité en trompe-l’œil. De fait, cette concurrence n’a pas bénéficié aux consommateurs tout en affaiblissant EDF. Contrairement à d’autres secteurs comme les télécoms ou le transport aérien, la concurrence voulue par l’Europe sur le marché de l’électricité n’a pas porté ses fruits pour la simple raison que les marges de manœuvre des opérateurs alternatifs, dont certains manquent de solidité financière, sont très limitées puisqu’ils n’interviennent qu’en bout de chaîne. Pas étonnant que certains clients préfèrent désormais revenir dans le giron d’EDF et que des voix s’élèvent pour réclamer un retour du monopole.

L’électricité « bradée » vendue par EDF à ses concurrents lui coûte, selon Bercy, quelque 8 milliards d’euros. Une somme qui pourrait être utilisée pour penser l’énergie du futur plutôt que nourrir une concurrence artificielle…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 7 avril 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...