Il y a trois ans nous regardions, en direct à la télévision, les flammes d’un incendie géant ravager l’un des joyaux de notre patrimoine, la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le ciel de la capitale obscurci par l’immense panache de fumée, la flèche de Viollet-le-Duc, incandescente, en train de s’effondrer sous nos yeux, l’impuissance des pompiers qui ont tout tenté pour sauver la toiture de l’édifice, la stupeur dans les yeux de tous ceux qui étaient témoins de cette scène qu’on n’aurait pas imaginée, restent gravés dans nos mémoires.
Qu’on soit Parisien ou provincial, qu’on soit chrétien, musulman, juif ou athée, l’émotion qui nous a étreint à ce moment-là était celle que l’on ressent lorsqu’un symbole de la France est atteint, lorsqu’un haut lieu de notre Histoire est menacé de disparition. Car de Charles VII à Henri IV, de la Révolution française à la Libération, du couronnement de Napoléon Bonaparte à la conversion de Paul Claudel, des mariages royaux aux obsèques présidentielles, la cathédrale Notre-Dame a marqué chaque étape de l’Histoire du pays.
Mais pas seulement. L’édifice est un symbole qui dépasse nos frontières. L’incendie du 15 avril 2019 a montré que cette cathédrale millénaire était aussi Notre-Dame du monde, non seulement un lieu de culte majeur pour les catholiques mais bien un symbole universel, la célébration du génie créatif des Hommes. Dans son « Notre-Dame de Paris » paru en 1831, Victor Hugo, qui fit de la cathédrale mal en point un monument populaire à sauver, ne s’y était d’ailleurs pas trompé. « L’architecture est le grand livre de l’Humanité, l’expression principale de l’Homme à divers états de développement, soit comme force soit comme intelligence. » Le vrai mystère de Notre-Dame réside ainsi dans sa capacité à susciter le meilleur en nous.
L’immense chantier de reconstruction qui a suivi a été à la hauteur de l’émotion mondiale. Et même si la cathédrale ne sera pas reconstruite en cinq ans comme l’avait un peu vite promis Emmanuel Macron, force est de constater que les travaux avancent et nous donnent l’occasion d’en découvrir encore un peu plus sur Notre-Dame. La restauration de l’édifice, qui mobilise des milliers d’entreprises, d’artisans, de compagnons et d’ouvriers, nous replonge ainsi dans les savoir-faire ancestraux qui ont permis de construire la cathédrale. Et les fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour des merveilles comme ce sarcophage de plomb qui va être prochainement analysé à Toulouse. Nous croyions tout savoir de Notre-Dame, elle nous dévoile de nouveaux secrets, nous offre d’autres mystères à percer.
Enfin, à l’heure où la France est appelée à faire un choix crucial pour son avenir à l’occasion de l’élection présidentielle, à l’heure où certains s’interrogent sur ce qui fait notre identité, l’anniversaire de l’incendie de Notre-Dame est l’occasion de regarder notre Histoire en face. « L’avenir est une porte, le passé en est la clé » assurait Victor Hugo, comme une invitation à s’appuyer sur notre résilience pour aller de l’avant, ouvrir un nouveau chapitre et non pas revenir aux pages les plus tragiques.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 16 avril 2022)