Accéder au contenu principal

Retrouver l'insouciance

discothèque


Il est toujours délicat d’adopter la bonne attitude face à certaines affaires dont la réalité n’est pas encore totalement établie : faut-il en parler au risque de relayer et d’amplifier ce qui ne sera finalement qu’une rumeur ? Ou bien n’en rien dire au risque de ne pas alerter sur un danger potentiel réel ? Vaste dilemme.

Il suffit parfois d’une véritable affaire, parfaitement établie, pour que l’imagination des uns construise les plus folles histoires. La fameuse rumeur d’Orléans, sur laquelle se penchèrent nombre de sociologues dont Edgar Morin, en est l’illustration. Cette rumeur, déclenchée en 1969, qui voulait que des jeunes femmes soient enlevées dans les cabines d’essayage de plusieurs magasins de vêtements de la ville – tous tenus par des Juifs – en vue d’être prostituées à l’étranger via des réseaux de traite des Blanches, s’était construite, entre autres, sur une véritable affaire survenue 10 ans plus tôt à Marseille. Et à l’inverse, la rumeur, reprise maintes fois depuis les années 2000 selon laquelle des seringues contenant le virus du Sida étaient placées dans des sièges de cinéma, a inspiré certains délinquants qui ont sciemment cherché à contaminer des personnes.

Pour l’heure, on ne sait pas si l’affaire des piqûres en boîte de nuit, qui inquiète les jeunes et les gérants de bars et discothèques et laisse dubitatifs les enquêteurs et les experts, est une rumeur ou des faits parfaitement établis. Y a-t-il vraiment des individus qui, sciemment, ciblent de jeunes victimes qui font la fête pour pouvoir abuser d’elles avec un procédé aussi compliqué que l’injection d’une substance via une seringue ? Les diverses affaires qui ont surgi partout en France ces dernières semaines, sont-elles liées entre elles ou s’agit-il juste d’un sinistre mimétisme ? Et pourquoi les personnes qui ont le courage de porter plainte disent avoir ressenti les mêmes symptômes attribuables à des substances comme le GHB ; substances que l’on n’a pas retrouvées dans leurs corps après des analyses toxicologiques ? Ces questions restent pour l’heure en suspens, sans réponses, mais ce phénomène qui emballe les réseaux sociaux est révélateur d’un état d’esprit de notre société.

Après deux ans marqués par l’épidémie de Covid-19 et la peur d’être contaminé ou de contaminer ses proches, après deux années où les rumeurs et les thèses complotistes n’ont jamais été aussi nombreuses et pernicieuses pour instiller la peur et la méfiance, c’est toute la société qui se retrouve en tension, et plus particulièrement la jeunesse, qui peut surréagir. Selon un bilan de Santé Publique France, fin décembre dernier, un tiers des Français présente un état anxieux ou dépressif. Dans son rapport sur « La situation des enfants dans le monde 2021 » l’Unicef a pointé l’impact important du Covid-19 sur la santé mentale des jeunes, les restrictions et confinement ayant généré chez nombre d’entre eux un sentiment de peur, de colère et d’inquiétude pour l’avenir.

Quels que soient les résultats des investigations sur l’affaire des piqûres, celle-ci doit inciter la société à agir davantage pour sa jeunesse tant pour préserver sa santé physique et mentale que son insouciance.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 29 avril 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Amers adieux

Un anniversaire… qui vire aux adieux. Air France, qui fête cette année ses 90 ans, a annoncé hier, à la surprise générale, qu’elle allait quitter en 2026 l’aéroport d’Orly et recentrer ses vols intérieurs sur son hub de Roissy-Charles de Gaulle. En quittant ainsi le deuxième aéroport du pays, la compagnie française tourne la page d’une histoire qui avait commencé en 1952, année de son arrivée à Orly. Histoire partagée depuis par des millions de Français qui, tous, peu ou prou, pour le travail ou les loisirs, ont un jour pris un avion d’Air France pour Paris-Orly, ont parfois confondu Orly-Ouest et Orly-Sud, ont accompagné le développement de la compagnie avec le lancement des Navettes vers Toulouse, Nice, Bordeaux, Marseille puis Montpellier, ont découvert au fil des ans les nouveaux Airbus, apprécié la qualité du service à bord, puis, une fois arrivés, emprunté l’OrlyVal pour rejoindre le centre de Paris ou continuer leur voyage avec une correspondance. Si l’annonce du départ d’Air Fr