Entravée par la crise sanitaire du Covid-19, sa 5e et sa 6e vagues, puis bousculée par la guerre en Ukraine, la campagne pour l’élection présidentielle dont le premier tour se déroule dans quatre jours est, sans conteste, à nulle autre pareille. Il y a cinq ans les rebondissements étaient spectaculaires entre un Président en poste qui n’était pas en mesure de se représenter, un jeune ministre de l’Économie sans parti qui avait quitté Bercy pour conquérir l’Elysée et un ancien Premier ministre qui emportait une primaire de droite avant de se fracasser sur des révélations d’emploi fictif familial. 2022 semble bien fade en comparaison.
Mais chaque élection présidentielle – et c’est heureux – est unique et chacun des candidats contribue, par son talent ou ses bourdes, son charisme ou sa médiocrité, ses propositions ou ses outrances, à écrire l’histoire de notre République. L’élection de 2022 ne fait pas exception à la règle. Certains trouvent qu’on a une campagne atone, qui intéresserait peu les Français, une campagne médiocre, pas à la hauteur des enjeux, une campagne qui serait tout entière tournée vers le buzz et l’anecdotique, une campagne « de merde » pour reprendre l’expression mi-désabusée mi-amusée de Jean Lassalle. Mais ces impressions-là n’illustrent-elles pas davantage l’usure de notre vieille démocratie qui est non seulement imputable aux partis politiques et à leurs candidats, mais aussi aux citoyens eux-mêmes ? Des citoyens qui agiraient comme des enfants gâtés, incapables de voir la chance qu’ils ont de vivre dans un pays libre, où ils peuvent manifester leurs désaccords dans la rue sans risquer de se faire arrêter et condamner et où, à échéance régulière, ils peuvent donner leur avis avec leur bulletin de vote ?
Contrairement aux lamentos de certains commentateurs, la campagne électorale présidentielle qu’on dit ennuyeuse se déroule bel et bien comme l’ont fait remarquer Bruno Le Maire ou Jean-Luc Mélenchon, ce dernier estimant même qu’ « elle est passionnante ». Les douze candidats, qui ont réuni 500 parrainages pour concourir, parcourent la France, vont de meetings – certes réduits – en porte-à-porte, de grands oraux devant des associations aux émissions de radio ou de télévision, nombreuses et globalement de bonne tenue. Tous, de Philippe Poutou à Eric Zemmour ont établi un programme qui leur est propre et qui les distingue clairement les uns des autres pour peu qu’on s’efforce de les lire. Dans les quatre jours qui viennent, chaque Français ne peut pas ne pas s’intéresser à ce que proposent ceux qui aspirent à rester ou devenir chef de l’État.
À l’heure où dans le monde certains paient de leur vie ou de la prison le combat pour la démocratie, cet effort-là mérite d’être fait, ce devoir civique plus que jamais honoré.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 6 avril 2022)