Accéder au contenu principal

Trompe-l'oeil

argent

Le redémarrage de l’économie mondiale au sortir de l’été 2021 après 18 mois d’épidémie de Covid-19, puis la perspective et la survenue d’une guerre en Ukraine il y a deux mois ont contribué au retour de l’inflation, à une hausse des prix sur le gaz et l’électricité, les carburants et certains produits alimentaires ou du quotidien. Il est donc logique que le pouvoir d’achat soit devenu la priorité numéro 1 des Français, loin devant la santé, l’environnement – et la pourtant très menaçante crise climatique – l’insécurité ou l’immigration. Tous les candidats à l’élection présidentielle se sont saisis de ce thème, faisant des propositions tous azimuts et tombant parfois dans un festival de mesures démagogiques, au mieux difficilement finançables, au pire totalement ubuesques. Depuis dimanche dernier, les Français ont le choix entre deux candidats qui rivalisent de propositions pour assurer qu’avec eux les Français verront leur pouvoir d’achat préservé voire augmenté.

D’un côté Emmanuel Macron se fait fort de défendre son bilan, assurant que « le pouvoir d’achat des Français n’avait jamais autant augmenté depuis dix ans ». À l’appui de sa démonstration, une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qui montre, effectivement, que le pouvoir d’achat global des Français a bien augmenté durant le quinquennat, en moyenne de 300 euros (+0,9 %) chaque année… À ceci près qu’il persiste d’importantes disparités, les plus pauvres ayant proportionnellement moins profité que les plus aisés. Emmanuel Macron, qui espère toujours se débarrasser de l’étiquette de « président des riches », doit aussi faire face au ressenti des Français qui, en dépit des mesures gouvernementales, ne perçoivent pas un changement significatif sur leur budget.

De l’autre côté, Marine Le Pen a eu l’intuition que le thème du pouvoir d’achat serait non seulement central dans cette campagne présidentielle, mais qu’il lui servirait aussi à parachever l’entreprise de dédiabolisation du Rassemblement national. De fait, la candidate a laissé Eric Zemmour préempter avec outrance la sécurité et l’immigration pour se concentrer sur le pouvoir d’achat. De meetings en déplacements, elle a ainsi martelé des propositions claires, simples et compréhensibles (baisser la TVA, renationaliser les autoroutes…), « chiffrées » assure-t-elle, quand Emmanuel Macron, tardivement entré en campagne, a détaillé des mécanismes d’aides plus complexes.

La campagne du second tour doit désormais permettre de comparer les programmes de chacun, leur crédibilité, leur faisabilité. Derrière le vernis de la simplicité et du « bon sens » des mesures de Marine Le Pen, les experts pointent un financement mal préparé et de nature à mettre en péril la soutenabilité des finances publiques. L’abaissement de la TVA par exemple, mesure-phare de Mme Le Pen, non ciblée vers les plus modestes, amputerait ainsi les recettes de l’État et donc ses moyens d’action pour assurer, entre autres, les services publics que les Français réclament…

Plus que jamais, à l’heure du choix, les Français doivent se méfier des promesses en trompe-l’œil.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 15 avril 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...