Pour la deuxième année consécutive, la rentrée scolaire se fera sous la menace de l’épidémie de Covid. Certes, septembre 2021 n’est pas septembre 2020 : la campagne vaccinale a atteint son rythme de croisière et affiche de bons résultats sur les 12-17 ans, l’exécutif, les collectivités locales et le corps enseignants ont appris des précédentes vagues, le protocole sanitaire a été revu et adapté, et s’il reste encore beaucoup d’inconnues, d’agacements et la crainte d’une « épidémie scolaire » que pronostiquent certains épidémiologistes, cette rentrée sera différente sur le plan logistique. En revanche, une crainte diffuse reste la même : entre les confinements du début de l’épidémie, les conséquences de l’école à la maison via internet qui a laissé quelque 500 000 élèves décrocher, l’impact psychologique de la pandémie sur les jeunes, la réforme du bac bousculée au point que le diplôme a été décerné quasiment avec le seul contrôle continu, une question lancinante se pose, celle du niveau des élèves.
Ce n’est évidemment pas la première fois que cette question est sur la table. Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses études internationales et notamment l’étude Pisa menée dans les pays de l’OCDE, montrent que la performance du système scolaire français est médiocre et en baisse, en dépit d’un budget de l’éducation nationale qui affiche 76 milliards d’euros pour 2021, le premier de l’état. À l’analyse détaillée, on voit aussi et surtout que le niveau baisse non pas à cause d’une moindre réussite des meilleurs élèves, mais parce que les élèves les moins bons le sont de moins en moins.
Autrement dit, pendant que certains pays comme l’Allemagne, le Portugal ou la Pologne ont mené des réformes pour corriger leur mauvais classement Pisa, notre système scolaire a continué à cultiver à la fois l’élitisme pendant qu’il laissait se creuser les inégalités. Les dernières évaluations des CP et CE1 publiées en novembre 2020 ne disent pas le contraire. Si Jean-Michel Blanquer a estimé qu’on avait « évité la catastrophe » et trouvé dans les mesures qu’il a mises en place les raisons d’une bonne résistance au choc du Covid, il n’en reste pas moins que l’augmentation des inégalités scolaires était déjà présente avant la crise sanitaire, y compris, selon les syndicats enseignants, là où les dédoublements des CP et CE1 ont été opérés… D’ailleurs, la Commission européenne a rappelé que, déjà, avant la crise sanitaire, le contexte socio-économique était le « déterminant le plus important des résultats scolaires dans l’Union européenne », un effet plus marqué « en Hongrie, en Roumanie, en Bulgarie, au Luxembourg, en Slovaquie et en France ».
À sept mois de l’élection présidentielle, voilà une question qui devrait mobiliser les énergies tout en appelant chaque acteur à l’humilité, les différentes alternances politiques ces dernières années n’ayant, d’évidence, pas été couronnées de succès. Regarder ce qui marche ailleurs et peut être appliqué chez nous, éviter les vaines polémiques dogmatiques, laisser aux réformes le temps de s’installer et, surtout, écouter ce que les enseignants ont à dire, serait sans doute un bon début pour relever le niveau.
(Editorial publié dans La Dépêche du mercred 1er septembre 2021