Voilà un paradoxe bien français aussi complexe que peut l’être un problème de mathématiques. D’un côté, la France peut s’enorgueillir d’être sur le podium des nations récompensées par la médaille Fields, le Nobel des mathématiques, avec 13 lauréats, d’avoir formé des dizaines de chercheurs dans ce domaine clé pour les innovations de demain, de disposer de structures reconnues pour leur excellence sur le plan international comme l’École normale supérieure de Paris ou l’institut Henri-Poincaré, et d’avoir donné à l’Histoire mondiale des sciences de grands noms comme Descartes, d’Alembert, Blaise Pascal, Condorcet ou plus près de nous Alexandre Grothendieck, Laurent Lafforgue ou Cédric Villani.
Et d’un autre côté la France se distingue par des résultats calamiteux dans les classements internationaux des performances scolaires. Dans la dernière évaluation scientifique TIMSS publiée en 2019, ou encore le fameux classement PISA, la France est en queue de peloton : en CM1, le score de 485 points en mathématiques place la France loin derrière ses voisins européens (527 points en moyenne) ou les pays de l’OCDE (529). Comme si les élèves français avaient perdu une année d’enseignement... Des résultats catastrophiques corroborés par les propres évaluations françaises qui montrent une baisse inquiétante du niveau : moins 17 points en entre 2014 et 2019 et 42,4 % des élèves qui ont une maîtrise fragile des mathématiques, voire de grandes difficultés.
Les raisons de cette chute française sont évidemment complexes, multiples, parfois lointaines, entre formation insuffisante de professeurs parfois en souffrance, modifications trop fréquente des programmes – les mathématiques sont devenues facultatives à partir de la première – manque de moyens et aussi développement d’un sentiment d’autodépréciation très répandu, tant chez les élèves que chez les adultes alors que les maths restent l’une des clés pour accéder aux études et aux écoles les plus recherchées… Autant de dysfonctionnements relevés par le rapport Villani-Torossian qui a proposé, en 2018, 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques.
Car il n’y a pas de fatalité. Si les maths font encore peur, une majorité d’élèves se dit intéressée par la matière, qui, débarrassée de ses clichés, donne les clés et des méthodes pour comprendre le monde d’aujourd’hui et penser celui de demain. Retrouver le goût des sciences et la bosse des maths est, dès lors, à notre portée et doit être une priorité.