En nommant début juillet Jean Castex à Matignon, Emmanuel Macron avait trois objectifs. Le premier était d'inaugurer la dernière séquence de son quinquennat, un "monde d'après" centrée sur la relance économique après le difficile confinement. Le second, plus général, était d'opérer un changement de méthode avec les élus locaux : snobés au début du mandat, ils devaient (re)devenir des partenaires avec lesquels l'Etat dialogue de façon respectueuse et constructive. Enfin, le troisième objectif était d'accompagner un changement majeur de stratégie sanitaire : passer de la "guerre" très verticale du début contre le coronavirus, avec l'arme suprême du confinement généralisé, à une phase plus horizontale où, faute d'un vaccin, il faut apprendre à "vivre avec le virus" pour ne pas voir s'effondrer l'économie ; et donc mettre en place des mesures ciblées, locales, prises en concertation entre préfets et maires. Jean Castex, le "monsieur déconfinement" à la geste pompidolienne, le chantre des territoires à l'accent rassurant, semblait ainsi l'homme idéal.
Las ! C'était sans compter l'effet boomerang de la Covid-19... La relance reste toujours devancée par les questions sanitaires dans un contexte de rebond de l'épidémie voire menacée par une kyrielles de plan sociaux à venir, le dialogue de l'exécutif avec les élus locaux reste toujours difficile voire méfiant, et la concertation pour mettre en place des mesures ciblées vient de connaître un spectaculaire cafouillage avec
les annonces de nouvelles restrictions faites mercredi soir par le ministre de la Santé Olivier Véran. En décentralisant les décisions concernant l'épidémie, l'exécutif espérait partager les responsabilités et se concentrer sur la relance ; il se retrouve avec une fronde qui rappelle les batailles entre Girondins et Jacobins... A Marseille, où l'on cède facilement à l'exagération, les élus, rouge de colère, évoquent "un affront" pour n'avoir été prévenus qu'in extremis du passage de la ville en zone d'alerte renforcé, vu comme "une punition". Le gouvernent assume ses décisions au vu de l'évolution de l'épidémie, mais se retrouve désormais plongé dans une défiance généralisée sur l'air du "pourquoi nous et pas les autres" et dans les méandres des contradictions françaises. Car ceux qui pestaient contre le confinement généralisé et réclamaient un stratégie régionale il y a quelques mois sont peu ou prou les mêmes qui aujourd'hui déplorent des décisions locales qui, par essence, s'éloignent d'un cadre national.
Pour le gouvernement, qui s'adapte sans cesse à l'évolution de l'épidémie, la tache est d'autant plus rude qu'il souffre de son pêché originel sur l'utilité des masques, celui-ci faisant que toute parole officielle est suspecte pour une partie de la population voire instrumentalisée à des fins politiques par une partie des élus et des oppositions - qui n'auraient peut-être pas fait mieux si elles étaient aux affaires...
Hier sur France 2, Jean Castex a tenté de faire de la pédagogie pour éteindre la fronde des élus locaux et rassurer les Français dont l'acceptation des mesures restrictives est capitale. Pour le gouvernement "vivre avec le virus" c'est aussi vivre avec une multiplication des polémiques...
(Mon éditorial publié sur ladepeche.fr du vendredi 25 septembre 2020)