L’attaque à l’arme blanche qui a blessé hier deux salariés d’une agence de presse près des anciens locaux de Charlie Hebdo nous a littéralement pris aux tripes et au cœur. Les alertes sur nos téléphones portables, les images de la rue Nicolas-Appert à nouveau remplie de policiers et de pompiers, la venue sur place du Premier ministre Jean Castex et de la maire de Paris Anne Hidalgo, nous ont ramenés cinq ans et demi en arrière, lorsque le 7 janvier 2015 nous apprenions l’impensable, l’indicible, le massacre d’une rédaction au cœur de Paris, l’attaque d’un journal devenu le symbole de la liberté d’expression et de la liberté tout court.
Ce flash-back effroyable n’intervient évidemment pas par hasard. S’il appartiendra au Parquet national antiterroriste de déterminer les motivations de l’auteur, rapidement arrêté, et de dégager les éventuelles complicités dont il a pu bénéficier, on ne peut que constater que cette attaque fait suite aux menaces lancées le 11 septembre par Al Qaïda, contre Charlie Hebdo en particulier – qui a republié les fameuses caricatures de Mahomet –, mais aussi contre la France et les démocraties en général. Des menaces dont la réalité a contraint la directrice des ressources humaines de Charlie, Marika Bret, de quitter son domicile en dix minutes…
L’attaque de ce vendredi, alors que se déroule le procès des complices des attentats de janvier 2015, doit nous interroger à la fois sur la réponse que nous voulons apporter à ces menaces jihadistes toujours aussi nombreuses et diffuses, et sur notre capacité à faire bloc et à rester intransigeants sur nos valeurs républicaines. En janvier 2015, des millions de Français sont descendus dans la rue pour marquer leur attachement à la liberté d’expression, brandissant stylos et pancartes « Je suis Charlie ». Cinq ans plus tard, alors que certains veulent mettre des bémols et des « oui, mais… » à cette liberté chèrement conquise ou à la laïcité, il est temps, à nouveau, de faire bloc autour de l’essentiel. L’appel historique des médias aux Français pour défendre la liberté de la presse, publié cette semaine, ne dit pas autre chose que ce que disait la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». L’attaque d’hier nous oblige tous, individuellement et collectivement, à redoubler d’efforts pour défendre cette liberté.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 26 septembre 2020)