A l’approche d’un passage à niveau, on voit souvent un panneau "un train peut en cacher un autre". Transposé au domaine sanitaire, on pourrait tout aussi bien écrire "une épidémie peut en cacher une autre"… Car alors que nous sommes tous concentrés sur la lutte contre l’épidémie de Covid-19 qui connaît, sinon une deuxième vague, du moins un net rebond, voilà que pointe l’épidémie de grippe saisonnière. Une grippe qui fait tout de même chaque année un milliard de cas dans le monde, entraînant entre 290 000 et 650 000 décès selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, 2 à 8 millions de personnes sont touchées chaque hiver et on compte en moyenne 10 000 décès, à 90 % chez les plus de 65 ans. Autrement dit, pour cette catégorie de la population, c’est la double peine puisqu’elle est aussi la plus vulnérable au coronavirus…
Par chance – et contrairement au Covid-19 – un vaccin contre la grippe saisonnière existe, mis en place chaque année selon un remarquable protocole de collaboration sanitaire internationale. On pourrait penser le problème résolu. Las ! En France, non seulement toutes les personnes à risques qui devraient se faire vacciner contre la grippe saisonnière ne le font pas, mais les personnels soignants eux-mêmes semblent rechigner à se faire vacciner. Lors de la saison 2018-2019, la couverture vaccinale des soignants était ainsi estimée à seulement 35 % dans les établissements de santé et à 32 % dans les Etablissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad). Bien trop peu estime l’Académie de médecine qui vient de tirer le signal d’alarme pour réclamer une vaccination obligatoire des professionnels. En parallèle, de nombreux élus implorent les Français à risques de se vacciner massivement pour éviter que ne s’entrechoquent les malades du Covid et ceux de la grippe qui pourraient, de fait, surcharger un système hospitalier qui vit depuis quelques semaines dans la hantise de la saturation.
Pour le gouvernement, qui s’apprête à lancer la campagne de vaccination contre la grippe dans 15 jours, voilà un nouveau casse-tête sanitaire qui préfigure peut-être ce qu’il adviendra lorsque l’on aura un vaccin contre le coronavirus. Au refus de certains de se faire vacciner aujourd’hui contre la grippe pourrait succéder demain ceux qui refuseront de se faire vacciner contre le Covid-19. Ils donnent d’ailleurs déjà de la voix sur les réseaux sociaux dans des groupes "antivax" très bruyants, relayant et confortant des théories complotistes qui touchent même certains élus de la République. La maire adjointe de Marseille Samia Ghali expliquait récemment qu’elle refuserait un vaccin contre le coronavirus, ne voulant pas servir de "cobaye"…
Alors que l’on va fêter la science le week-end prochain, il serait temps que la communauté scientifique et le gouvernement se mobilisent pour rappeler que les faits scientifiques ne sont pas des opinions et que les vaccins sont utiles. Début septembre, dans la quasi-indifférence, l’OMS a annoncé que la polio était officiellement éradiquée d’Afrique. Après la variole, la polio pourrait ainsi être la deuxième maladie infectieuse vaincue. Grâce à un vaccin…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 29 septembre 2020)