Accéder au contenu principal

Quand la Chine tousse

shanghai
La Bourse de Shanghai. Photo Alex Needham 


En 1973, Alain Peyrefitte publiait « Quand la Chine s'éveillera » et pronostiquait ainsi comment l'Empire du milieu allait devenir au siècle suivant un géant politique et économique. Depuis, la Chine s'est largement éveillée et est, effectivement, devenue un géant économique qui pèse lourd dans l'économie mondiale. Mais un géant aux pieds d'argile comme le montre l'épidémie du coronavirus. Car depuis le déclenchement de cette pandémie, c'est finalement tout le pays qui se retrouve en quarantaine, soit qu'il se barricade lui-même dans certaines régions en confinant des millions d'habitants et en mettant à l'arrêt les usines, soit qu'il se trouve victime de mesures – parfois disproportionnées au regard de la réalité sanitaire – prises par de plus en plus de pays inquiets et cédant au repli.

Dans une économie mondialisée, cette paralysie inquiète d'autant plus que, depuis la précédente épidémie du SRAS en 2002-2003, le poids économique de la Chine est devenu capital dans la marche de la planète. De fait, la Chine représentait 5 % du PIB mondial et 5 % de la croissance mondiale il y a 15 ans ; aujourd'hui elle pèse 17 % du PIB mondial et contribue à 30 % de la croissance… En un mois, les prévisions de croissance chinoise sont passées de 6 % à 4 % selon le cabinet Oxford Economics. Une contre-performance qui va affecter les autres économies de la planète – la banque Goldman Sachs estime que la croissance américaine va baisser de 0,4 à 0,5 point au premier trimestre 2020, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, parlait hier de « nouvelle dose d'incertitude » – mais qui va aussi affecter de nombreux marchés de matières premières. Le cours du baril de pétrole a ainsi baissé de quelque 15 % en janvier…

Le président chinois Xi Jinping a très tôt compris que la menace du coronavirus – un « démon » a-t-il dit – n'était pas que sanitaire. Elle est aussi économique : c'est la raison pour laquelle la banque centrale chinoise a décidé d'injecter 1 200 milliards de yuans (156 milliards d'euros) afin de soutenir l'économie du pays. Mais elle est aussi politique : face aux critiques émises contre l'Etat pour sa gestion de l'épidémie à Wuhan, Xi Jinping a appelé... à une censure renforcée. Donnant finalement raison – a posteriori – à Alain Peyrefitte qui avait jugé dans son dernier ouvrage, « La Chine s'est éveillée », publié il y a plus de 20 ans, que « la Chine devient semblable à une huître qui s'entrebâillerait vers le grand large, mais demeurerait inébranlablement fixée au rocher par sa dure coquille totalitaire. »

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 6 février 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Urgence démographique

  Présentées dans la torpeur de l’été, les statistiques démographiques de l’Insee devraient pourtant tous nous inquiéter et nous réveiller. Avec une baisse de 2,2 % du nombre quotidien de naissances moyen entre le premier semestre 2024 et celui de 2025, la France devrait atteindre une nouvelle fois son plus bas niveau depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, et cela pour la quatrième année consécutive, sans que l’on perçoive la possibilité d’un retournement prochain de situation. Dans le même temps, en cumul de janvier à juin, le nombre de décès quotidien moyen est plus élevé en 2025 qu’il ne l’était un an auparavant : + 2,5 %. Implacable logique d’un solde naturel qui montre d’un côté une France qui ne fait pas assez d’enfants, de l’autre une France dont la population vieillit à grande vitesse. Au 1er janvier 2025, 21,8 % des habitants avaient au moins 65 ans, contre 16,3 % en 2005 ; les personnes âgées d’au moins 75 ans représentent désormais 10,7 % de la population, contre 8...