Accéder au contenu principal

Question de dignité

prison


Les autorités françaises doivent mettre fin au problème de surpopulation dans les prisons et aux conditions de détention dégradantes". Les mots sont cinglants pour la patrie des Droits de l’Homme, mais ils ont été, d’évidence, largement sous-pesés par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui vient de rendre cette semaine un arrêt sévère contre la France. Saisie par 32 détenus des centres pénitentiaires de Ducos (Martinique), Faa’a Nuutania (Polynésie française), Baie-Mahault (Guadeloupe) ainsi que des maisons d’arrêt de Nîmes, Nice et Fresnes, l’instance européenne n’a pu que constater que les détenus "ont, pour la majorité d’entre eux, disposé d’un espace personnel inférieur à la norme minimale requise de 3 m2 pendant l’intégralité de leur détention, situation aggravée par l’absence d’intimité dans l’utilisation des toilettes." Certes, la CEDH n’entend pas dicter la politique pénale de la France, mais elle suggère "la refonte du mode de calcul de la capacité des établissements pénitentiaires et l’amélioration du respect de cette capacité d’accueil".

Pour le gouvernement, dont la ministre de la Justice, Nicole Belloubet annonce dans nos colonnes la création de 15 000 places de prison supplémentaires d’ici 2027, il est sans doute plus que temps d’aborder frontalement ce dossier avec le souci de la dignité des détenus, d’évidence oubliée depuis de trop nombreuses années. Car la surpopulation carcérale comme le délabrement de certaines prisons ne sont pas nouveaux. Depuis des années, les associations, les avocats, des parlementaires voire des magistrats et des agents de l’administration pénitentiaire s’alarment d’une situation déshonorante pour la France. Jean-Marie Delarue, premier contrôleur général des lieux de privation de liberté, a longtemps souligné combien notre pays méconnaissait la réalité carcérale, confirmant finalement ce que disait Marcel Aymé selon qui, "Les hommes appelés à en juger d’autres devraient avoir fait un stage de deux ou trois mois en prison." De fait, M. Delarue se désolait que "tantôt les Français critiquent le prétendu luxe [des prisons], tantôt ils voient en elles le juste châtiment pour des condamnés qu’il faut reléguer hors de la société."

Il est plus que temps de sortir de ces clichés avivés par les émotions médiatiques et les outrances politiques démagogiques pour retrouver le sens de l’emprisonnement : préparer le détenu à sa réinsertion dans la société et non pas l’humilier avec des conditions de vie dégradantes qui sont le terreau de la récidive voire de la radicalisation.

Cela demande évidemment des moyens, cela demande aussi du courage politique, cela demande enfin, tout simplement, d’être fidèle à l’humanisme républicain.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 3 février 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...