Accéder au contenu principal

Tout bio, tout bon ?

bio


Il y a parfois des coïncidences étonnantes. Le nouveau ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, demande aux scientifiques de « faire la preuve » des conséquences des pesticides sur la santé. Comme si les chercheurs ne s'étaient jamais penchés sur le sujet et comme si la loi n'imposait pas au producteur du pesticide, et à lui seul, de prouver que son produit n'a pas d'effet sur la santé. Au même moment, une étude scientifique, française qui plus est, vient de paraître démontrant que l'alimentation bio réduit significativement les risques de cancer.

Publiée lundi 22 octobre dans la revue JAMA Internal Medicine, cette étude épidémiologique est ainsi la première à pointer de tels risques dans la population générale, s'agissant du cancer. Surtout, c'est son amplitude qui impose qu'on s'y arrête avec attention : un échantillon de 68 946 participants à la cohorte NutriNet-Santé a été suivi pendant 7 années de 2009 à 2016. Les résultats sont édifiants : une diminution de 25 % du risque de cancer (tous types confondus) a été observée chez les consommateurs «réguliers» d'aliments bio comparés aux consommateurs plus occasionnels. Cette association était particulièrement marquée pour les cancers du sein chez les femmes ménopausées (-34 % de risque) et les lymphomes (-76 % de risque).

Faut-il dès lors en conclure qu'il y a moins de cancers chez les consommateurs bio ? Non. Les scientifiques qui ont réalisé l'étude se gardent bien de tenir une affirmation aussi frontale, et préfèrent parler de plausibilité. Attitude sage car l'étude, aussi exceptionnelle soit-elle, comporte des biais comme le fait que les participants ont généralement un niveau d'éducation plus élevé que la moyenne et un style de vie plus sain, et qu'on n'a pas quantifié de manière précise la quantité de produits bio qu'ils ont ingérés.

Au-delà, si les bénéfices du bio sont évidemment tangibles, il convient aussi de rappeler que ce marché de 8 milliards d'euros qui suscite la convoitise de la grande distribution, présente aussi des zones d'ombre, particulièrement en ce qui concerne les labels. Le label européen, par exemple, ne certifie pas que tel ou tel produit est dénué de tout pesticide mais que le producteur a mis en œuvre les conditions pour y parvenir. Le label AB, bien connu, tolère pour sa part jusqu'à 0,9 % d'OGM… Et que dire par ailleurs des produits cultivés sous une mer de serres de plastique en Espagne : bio peut-être, mais pas vraiment écolo…

Dès lors, si la demande bio est légitime de la part des consommateurs et si elle mérite l'encouragement des pouvoirs publics, particulièrement avec des circuits courts, il faut se garder de stigmatiser les produits qui ne sont pas bio et ceux qui les produisent, parfois dans des conditions difficiles. La publication de l'étude NutriNet-Santé montre qu'il faut d'une part que les scientifiques poursuivent leurs recherches et d'autre part que les consommateurs bénéficient de l'information la plus transparente possible sur ce qu'ils ont dans leur assiette.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 24 octobre 2018)

Posts les plus consultés de ce blog

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

L'indécence et la dignité

C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas. Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter l

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a