Trois jours après les inondations historiques qui ont frappé l'Aude, un double sentiment nous étreint. D'abord la fierté de voir que dans une société souvent décriée pour son individualisme, la solidarité, la fraternité de notre devise nationale, ne sont pas de vains mots. Solidarité avec les sinistrés au sein des familles elles-mêmes qui ont tout perdu, solidarité entre voisins de galère, solidarité entre des gens qui ne se connaissaient pas la veille et qui partagent aujourd'hui un destin commun, solidarité entre villages sinistrés et ceux qui ont été épargnés. Solidarité plus large des habitants de la région et notamment ceux qui, très nombreux, ont répondu avec une incroyable générosité à l'appel aux dons relayé par notre groupe de presse. Solidarité, enfin, des institutions locales, départementales, régionales et nationales pour aider, soulager, et indemniser au plus vite en vue de la reconstruction. Face au drame des inondations de l'Aude, c'est bien tout un pays qui s'est senti concerné, touché, et, après le Premier ministre Édouard Philippe lundi, Emmanuel Macron viendra dire sur place dans quelques jours toute la solidarité de la nation.
Le second sentiment qui nous étreint est la conviction qu'au-delà de l'émotion qui forcément s'émoussera, il va falloir d'urgence s'adapter, sans attendre qu'un nouvel épisode orageux ne vienne endeuiller un autre territoire de France ou d'Outremer. Adapter nos modes de vie, nos territoires, nos constructions pour faire face à ces phénomènes météorologiques de plus en plus intenses doit être notre boussole. Il nous faut prendre plus que jamais toute la mesure de la vulnérabilité de nos territoires, car l'urbanisation intense dans des espaces naturels fragiles participe évidemment à la saturation des sols et l'aggravation des dommages. Il existe bien depuis plusieurs années des Plan de Prévention des Risques d'Inondation (PPRI) qui empêchent de construire en zones inondables, mais qui ne touchent pas à l'existant, celui-là même qui peut, demain, être frappé.
Pour améliorer la sécurité des personnes et limiter les dégâts en cas de crue, c'est donc bien un vaste travail de réflexion qui doit être mené sous l'égide de l'État : revoir les modalités d'aménagement sans entraver le développement socio-économique, stabiliser des zones à risques existantes en tenant compte des particularités locales, et informer, sensibiliser beaucoup mieux que jusqu'à présent les populations en les dotant d'outils de diagnostic et de système d'alerte plus performants. Relever ce défi immense, qui nécessite une vraie volonté politique, sera la meilleure façon de rendre hommage aux victimes et sinistrés de l'Aude.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi jeudi 18 octobre 2018)