C'est, avec les Journées du patrimoine, l'un des rendez-vous les plus prisés des Français, petits et grands : la Fête de la science, initiée par Hubert Curien en 1991, entame pour une semaine sa 27e édition ce samedi. Presque une génération de partage, de découvertes, de questionnements, d'étonnements entre des scientifiques qui, exceptionnellement, ouvrent leurs laboratoires avec l'envie de montrer et d'expliquer leurs travaux, et un grand public fasciné et curieux de voir ce qui se fait derrière les portes d'institutions qui intimident toujours le citoyen lambda. Entre les deux, de nombreux passeurs de sciences comme les appelait le Nobel de physique Georges Charpak, qui font, tout au long de l'année d'ailleurs, une remarquable œuvre de vulgarisation scientifique, de médiation à coups d'ateliers ou de conférences, notamment dans les écoles, partout en France et bien sûr en Occitanie, notre région riche de 29 400 chercheurs.
Mais cette année, la fête se fait aussi plus grave en mettant l'accent sur une mission essentielle au point d'en faire son thème principal : la lutte contre les idées fausses. Alors que la société n'a jamais été aussi technologique, que l'information n'a jamais autant circulé, 79 % de la population française croiraient au moins à une théorie du complot selon une récente enquête de la fondation Jean-Jaurès. Ces théories, qui assurent que la Terre est plate, que l'Homme n'a jamais marché sur la Lune ou que son origine se trouve dans un fumeux « intelligence design » ne se cantonnent plus à quelques cercles complotistes très actifs sur les réseaux sociaux. Elles sont parvenues au cœur du pouvoir aux Etats-Unis avec l'élection de Donald Trump. Outre-Atlantique, climatosceptiques et créationnistes sont, désormais, à des postes clés de l'administration, comme l'Agence de l'énergie, coupant là le budget de certains laboratoires, imposant partout une chappe de plomb sur les scientifiques. Des scientifiques qui ont – c'est heureux – trouvé le soutien de citoyens pour organiser d'inédites et historiques Marches pour la science.
Ces marches ont connu un réel succès aux Etats-Unis, mais aussi ailleurs dans le monde. Car le fait scientifique est de plus en plus contesté, attaqué frontalement comme avec les opposants aux vaccins, ou, plus indirectement, quand des lobbys tentent d'influer l'action politique avec des études biaisées. Il est donc urgent de replacer au cœur de la société la démarche scientifique, qui fait, elle, la différence entre un fait et une opinion, une rumeur ou une croyance. À l'heure des « fake news » – désormais rebaptisées infox –, le gouvernement a donc eu raison, cette année, de mettre l'accent sur la lutte contre ces idées reçues qui constituent un réel danger pour la démocratie.
La Fête de la science est, dès lors, non seulement un moment festif, mais aussi un outil pour développer l'esprit critique, le doute raisonné, le progrès éclairé contre tous les obscurantismes.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 6 octobre 2018)