On connaît depuis longtemps l'appétence d'Emmanuel Macron pour le théâtre, la littérature, l'histoire ou la philosophie. Mais depuis deux semaines, le président de la République s'astreint à une discipline bien plus rugueuse de mathématique politique pour résoudre l'équation du remaniement. Un remaniement qui s'est imposé à lui après un été cauchemardesque commencé avec l'affaire Benalla et une rentrée catastrophique se soldant par le départ de deux ministres d'État, l'iconique et populaire Nicolas Hulot et le marcheur de la première heure et son père politique Gérard Collomb. Et c'est peu dire qu'Emmanuel Macron, qui déteste se faire imposer son agenda, a dû retrousser ses manches pour résoudre cette équation à multiples inconnues. Car aux questions habituelles de tout remaniement – quel périmètre, qui faire partir, qui faire entrer ? – le Président a dû trouver des solutions à des problématiques consubstantielles à sa propre histoire politique et celle de son jeune mouvement La République en marche où les poids lourds sont rares. Respecter la parité hommes-femmes, redonner des gages à l'allié Modem négligé, assurer l'équilibre «et de droite et de gauche», trouver le juste accord entre personnalités expertes issues de la société civile et élus madrés, politiquement capables de monter au créneau pour le défendre si besoin, etc. Pour celui qui se revendique maître des horloges, la tâche relevait de la haute horlogerie pour retrouver cet esprit de «en même temps» qui avait tant séduit les Français et été le moteur de la victoire de mai 2017.
Le résultat est tombé hier après une interminable attente. Et au final, le remaniement est moins large qu'attendu. On sent bien que chaque nomination a été pesée au trébuchet. Récompenser des alliés avec Marc Fesneau (Modem) ou Franck Riester (Agir-Les Constructifs, ex-LR) ; promouvoir des fidèles avec Christophe Castaner au ministère stratégique de l'Intérieur ; saluer des compétences avec Jacqueline Gourault ; introduire des experts comme Laurent Nuñez, ex-patron de la DGSI ; réaliser quelques prises de guerre avec l'ex-socialiste Didier Guillaume à l'Agriculture ; et surtout solder les erreurs de castings devenus les boulets qu'étaient Françoise Nyssen, mal à l'aise à la Culture et lestée de ses affaires immobilières et Jacques Mézard, incapable de retisser les liens avec les territoires...
Cette nouvelle équipe permettra-t-elle à l'exécutif à la popularité en berne de prendre un nouveau départ ? De trouver un nouveau souffle pour poursuivre les réformes à sept mois d'élections européennes à risques ? Les mois qui viennent le diront et cette équipe va pouvoir – et devoir – faire rapidement ses preuves… en poursuivant la même action que la précédente au nom de la cohérence politique et de la conviction que les résultats finiront bien par venir d'ici la fin du quinquennat.
Nouvelle équipe, même cap : voilà donc la solution à l'équation proposée par le Président qui paraphrase l'écrivain Giuseppe Tomasi di Lampedusa « Il faut que tout change pour que rien ne change… » Mais il reste une équation à résoudre. Celle, personnelle, du chef de l'État dont le style, les mots, l'attitude, le rapport avec les Français ont, ces derniers mois, agacé souvent, exaspéré parfois et même inquiété jusque dans sa majorité. Car dans ce régime présidentiel de la Ve République ou tout remonte vers le chef de l'État et tout découle de lui, plus encore dans ce quinquennat, Emmanuel Macron doit – enfin – se garder de tout excès de confiance pour espérer renouer avec les Français. Pour résoudre cette équation-là, l'alchimie entre un Président et son peuple, Emmanuel Macron est seul à pouvoir trouver la solution.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 17 octobre 2018)