Accéder au contenu principal

Frais bancaires : la grande opacité

 

CB

Les banques françaises ont décidément un talent rare : celui de faire payer leurs clients pour ce qui, ailleurs bien souvent, relève du simple service. L’Observatoire des tarifs bancaires vient ainsi de montrer que les frais bancaires ont bondi de 3,1 % en un an, soit trois fois plus que l’inflation, ce que déplore à raison la vigilante association UFC-Que Choisir. Une hausse d’autant plus choquante qu’elle frappe indistinctement tous les clients, et notamment les plus modestes, au moment même où le secteur affiche des profits records.

Les frais de tenue de compte explosent : + 8,95 % en moyenne, certaines banques passant brutalement de la gratuité à 24 € par an ; moins de 10 % des établissements continuent de ne rien facturer. La gratuité devient l’exception. Et chaque avancée obtenue par les associations de consommateurs est aussitôt contournée par un nouveau tarif destiné à préserver les marges.

On comprend l’indignation de l’UFC-Que Choisir : le système s’est retourné contre ceux qu’il prétend servir. À l’heure où un algorithme boursier exécute des millions d’ordres en une fraction de seconde, comment justifier qu’un virement entre deux comptes d’un même client puisse encore générer des frais ? Comment expliquer qu’un découvert de quelques euros pendant deux jours puisse coûter dix ? Ce qui est gratuit dans les banques en ligne ou à l’étranger reste payant en France. Dans un monde où la vitesse de traitement est instantanée, cette lenteur tarifaire confine au cynisme. Les banques françaises savent trader à haute fréquence, mais facturent à bas rendement.

Plus grave encore : la relation client se délite. Huit Français sur dix n’ont pas tout à fait confiance dans les conseils de leur banque, et plus de la moitié se sont déjà sentis « arnaqués ». Les conseillers bancaires, pressés par des objectifs commerciaux, ne conseillent plus. Ils ne préviennent pas un client qui glisse vers le découvert, mais lui envoient la facture qui en découle.

Cette dérive appelle une réaction. L’Assemblée nationale s’en est saisie avec une proposition de loi pour interdire les frais d’incidents bancaires, ces minima forfaitaires appliqués aux découverts, même autorisés. Un geste nécessaire, mais tardif. Car il ne s’agit pas seulement de plafonner des abus : c’est la logique même du rapport entre banques et clients qu’il faut repenser. Les clients ne veulent plus être des sources de revenus passifs, mais des partenaires écoutés et respectés.

La révolution viendra, que les banques le veuillent ou non. Les cryptomonnaies, les stable coins ou la finance décentralisée esquissent déjà un autre modèle, instantané, transparent et moins coûteux. Les banques traditionnelles, longtemps protégées par leur poids institutionnel, ne peuvent plus ignorer cette lame de fond. Si elles ne comprennent pas que la confiance ne se facture pas, d’autres se chargeront de la regagner à leur place. L’histoire économique est pleine de géants déchus qui n’ont pas su entendre le grondement du changement…

(Éditorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 20 octobre 2025)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...