Le relèvement, décidé par le gouvernement la semaine dernière, de « modéré » à « élevé » du niveau de risque lié à l’influenza aviaire hautement pathogène – la grippe aviaire –, inquiète à juste titre les éleveurs français. Ces derniers voient, en effet, se profiler d’angoissants confinements des volailles et, en cas de découverte de nouveaux foyers de contamination, le traumatisant abattage préventif des cheptels.
Bien sûr, sanitairement, une telle décision peut s’entendre, mais on ne mesure pas combien les éleveurs, qui ont la passion de leur métier chevillé au corps, vivent mal de voir leurs animaux, auxquels ils sont attachés, tués du jour au lendemain. De tels abattages, qui ont eu lieu pour plusieurs épidémies, dont celle, emblématique, de la vache folle il y a quelques années, ou celle actuelle de la dermatose nodulaire contagieuse, sont de vrais crève-cœurs pour la profession. Et s’ils sont évidemment efficaces, sont-ils toujours pertinents ?
Cette question est soulevée par les syndicats agricoles qui plaident pour un arrêt de ces abattages systématiques. Une cinquantaine d’agriculteurs de la Coordination rurale (CR) ont ainsi été évacués dans le calme, jeudi dernier, des locaux de l’État à Toulouse alors qu’ils voulaient appeler la ministre de l’Agriculture Annie Genevard pour la sensibiliser au problème et lui dire que « la dermatose nodulaire tue moins de 5 % des animaux infectés. » Même son de cloche du côté de la Confédération paysanne, qui s’oppose frontalement à la politique d’« abattage total » des élevages contaminés, qualifiée de « destructrice » et de « socialement insoutenable ». Il faut écouter ces revendications et peut-être voir si l’on peut réviser et affiner ces pratiques d’abattage systématique avec l’appui et l’expertise des scientifiques.
Les syndicats s’offusquent également que dans le cofinancement public de la vaccination – pierre angulaire de la stratégie nationale de prévention – la part de l’État, qui atteignait 70 % l’an passé, ne sera plus que de 40 % cette année des quelque 90 millions d’euros que devrait coûter la campagne vaccinale. Là aussi, on devrait pouvoir réviser la pratique quand bien même, en plein débat budgétaire, le gouvernement cherche à faire des économies tous azimuts…
Au-delà des épidémies du moment – grippe aviaire et dermatose bovine – il faut aussi dézoomer et regarder la situation à long terme. La propagation et le retour d’autres maladies vectorielles (fièvre catarrhale ovine, maladie hémorragique…) témoignent d’une accélération des risques. Le dérèglement climatique élargit la carte des vecteurs et fragilise des troupeaux déjà mis à rude épreuve par l’intensification des élevages et la mondialisation des échanges. Le risque épizootique devient ainsi systémique et s’y préparer demande de l’anticipation.
Renforcer la biosécurité, coordonner les réponses régionales et adopter enfin une stratégie One Health – qui souligne l’interdépendance entre santé humaine, animale et environnementale, et s’impose de plus en plus comme cadre d’élaboration des stratégies de gestion des épizooties – apparaissent comme des actions urgentes à mener au niveau national et international. Sans cette vigilance collective, nous risquons d’être démunis et de subir les prochaines crises déjà en marche.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 26 octobre 2025)
