Revoilà donc la réforme des retraites. Ou plutôt une nouvelle réforme des retraites, différente de celle, universelle et à points, dont la majorité vantait les mérites tout en peinant à expliquer aux Français le bien-fondé et les complexes mécanismes. Une réforme qui avait ragaillardi les oppositions de droite et de gauche et cristallisé la colère des syndicats ; et pour laquelle Edouard Philippe avait dû dégainer l’article 49.3 en catimini le 1er mars 2020 pour couper court à un débat parlementaire proche de l’enlisement sous 41 000 amendements. Une réforme, enfin, qui avait été mise en pause par la survenue de l’épidémie de Covid-19 pour finalement être laissée à l’abandon avec un renoncement au principe des points, cher à Emmanuel Macron.
Pour le président sortant – seul chef de l’Etat à n’avoir pas mené de réforme des retraites durant son mandat – il y avait là un regret, pour ne pas dire une tache, sur son bilan, qu’il convenait donc de réparer. En laissant fuiter la proposition d’une nouvelle réforme pour un second quinquennat, avec un âge de départ à 65 ans, soit le plus élevé évoqué par tous les candidats à l’élection présidentielle, le candidat Macron entend, d’évidence, créer un électrochoc : montrer qu’en dépit des crises sanitaires et internationales, il n’entend pas se laisser enfermer dans le statu quo, assurer qu’il conserve intacte la volonté de transformation du pays qu’il avait affichée avec succès en 2017, démontrer qu’il parvient à fixer en 24 heures à peine toute la campagne électorale sur un thème qu’il a choisi, et – last but not least – siphonner un peu plus encore l’électorat de droite qu’espérait reconquérir Valérie Pécresse en se faisant le chantre de la rigueur budgétaire quant aux finances publiques.
La candidate LR a beau tweeter que « la retraite à 65 ans : nous l’avons proposé, Macron ne l’a pas fait ! Comment faire confiance à Macron-candidat alors qu’il promet tout ce que Macron-président n’a pas fait pendant son quinquennat ? », elle sait qu’elle prend le risque de se voir renvoyée aux promesses jamais réalisées de la droite lorsqu’elle était au pouvoir…
Mais par rapport à 2020, les temps ont changé, l’épidémie de Covid-19 a bouleversé la vie des Français, leur rapport au travail et chacun a pu mesurer avec le quoi qu’il en coûte que l’Etat-providence pouvait pourvoir aux besoins socio-économiques quand il le fallait. Dès lors, le débat sur une réforme des retraites pourrait être bien différent. Ces derniers mois, nombreux sont ceux qui ont relayé une étude de l’Insee montrant qu’à 62 ans, 25 % des Français les plus pauvres sont déjà morts, ou encore ce rapport du Conseil d’orientation des retraites, publié en juin 2021 qui stipulait que « malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement progressif de la population française, la part des dépenses de retraite dans le PIB baisserait à long terme », jusqu’en 2070, remettant en cause l’intérêt d’une réforme.
Pour ou contre une réforme des retraites ? Il y a là un vrai choix de société qui mérite un vrai débat entre tous les candidats. Avant le premier tour de l’élection présidentielle...
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 11 mars 2022)