En 2017, les adversaires d’Emmanuel Macron fustigeaient son « en même temps » qui ambitionnait d’être et de droite et de gauche, et critiquaient l’ex-ministre de l’Economie qui, selon eux, était incapable de présenter un programme. Le démenti fut cinglant, offrit à Emmanuel Macron l’une des plus fameuses séquences de sa campagne – « Parce que c’est notre projet » crié devant ses militants – et lui permit d’égrener des propositions de rupture.
Cinq ans plus tard, les adversaires de celui qui est devenu chef de l’Etat reprenaient peu ou prou la même antienne, affirmant que le président sortant qui tardait à annoncer sa candidature, n’avait rien d’autre à offrir que la continuation de son quinquennat. Là encore, le candidat Macron a montré, hier à Aubervillers, qu’il était bien capable de dessiner un nouveau programme autour de grands enjeux – éducation, indépendance, Europe, travail, santé – façonnés autant par les leçons tirées des crises du quinquennat qui s’achève que par les circonstances exceptionnelles qu’imposent aujourd’hui le Covid-19 et la guerre en Ukraine.
L’avenir dira si ce jeudi 17 mars entrera comme une date clé dans l’histoire de la Macronie. En tout cas, cet exercice était plus que nécessaire pour le président-candidat. Accusé par les oppositions de fuir le débat en refusant toute confrontation télévisée avec ses adversaires, voire de vouloir « enjamber » l’élection présidentielle pour être élu comme par tacite reconduction, il fallait qu’Emmanuel Macron explicite hier le sens de sa candidature à un second quinquennat et qu’il explique sa volonté d’être réélu non pas par défaut, mais par envie.
Pour redonner cette « envie d’avoir envie » de lui, le candidat a préféré, au souffle militant et plus charnel d’un meeting, l’austérité d’une conférence de presse quasi-professorale, parfois technique et très – trop ? – détaillée. Au-delà du bilan qu’il a à peine esquissé, il a ainsi expliqué qu’il restait cohérent depuis 2017 et n’avait rien perdu de sa volonté de transformation du pays. Et de fait, parmi les très nombreuses propositions présentées hier, la disruption était toujours présente. Sur le fond, au risque parfois de la volte-face par rapport à ses positions passées (sur la Corse ou les droits de succession) et/ou d’une triangulation à droite (conditions au RSA, retraite à 65 ans) qui lui permet d’assécher un peu plus l’électorat de Valérie Pécresse. Sur la forme, le candidat a promis une nouvelle méthode – comme il l’avait déjà fait après la crise des Gilets jaunes – moins verticale et plus horizontale avec les citoyens ou les collectivités.
L’exercice aura-t-il convaincu les Français et suscitera-t-il leur adhésion ou leur rejet ? Ou alors ces derniers, principalement inquiets par les conséquences de la guerre en Ukraine, préfèreront-ils conserver à l’Elysée l’actuel chef des Armées, Président désormais expérimenté, peu importe son programme ? Dans cette drôle de campagne – où le sentiment d’un scénario « écrit d’avance » nourrit le risque d’une abstention historique – 61 % des Français, selon un sondage OpinionWay, pronostiquaient cette semaine une victoire d’Emmanuel Macron… mais seulement 28 % souhaitaient qu’une telle victoire advienne. Pour Emmanuel Macron, tout l’enjeu désormais est bien de resserrer cet écart qui, s’il est réélu, sera aussi celui entre la légitimité et la représentativité.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 18 mars 2022)