On ne dira jamais assez l’importance du dessin de presse pour croquer l’actualité et en révéler d’un coup de crayon tout le sens. Il y a quelques jours, dans le grand quotidien de Montréal Le Devoir, le dessinateur Pascal a ainsi représenté la Terre en passe d’être croquée par un monstrueux coronavirus… qui lui-même allait se faire croquer par un autre monstre casqué représentant la guerre en Ukraine.
Et c’est vrai que depuis son déclenchement par Vladimir Poutine, notre attention est tout entière concentrée sur ce qui se passe aux portes de l’Europe. Des chaînes d’information en continu aux réseaux sociaux, des conversations en famille ou entre collègues, ce retour de la guerre au cœur d’une Europe qu’on croyait préservée du fracas des armes et des malheurs des conflits depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, nous a tous saisis d’effroi. Sidérés mais solidaires avec le peuple ukrainien, nous avons comme retrouvé le sens des priorités, relativisé nos propres problèmes quotidiens et mis de côté ces débats sur le masque, les protocoles sanitaires, les pass sanitaire et vaccinal, les antivax et les anti-tout, bref tout ce qui nous occupe – et nous épuise – depuis deux ans. Sans regret d’ailleurs puisque la 5e vague Omicron était en forte baisse, que les restrictions sanitaires ont été allégées par le gouvernement et que le port du masque n’est plus obligatoire.
Fort de notre expérience de l’épidémie, nous aurions toutefois dû nous rappeler que c’est justement quand nous baissons la garde, quand nous oublions les gestes barrière, que nous avons pourtant appris à connaître par cœur, qu’un rebond est toujours possible. Nous aurions dû aussi nous rappeler cette étude prémonitoire publiée en mai 2019 au tout début de l’épidémie par le Center for Infectious Disease Research and Policy (Cidrap) de l’université du Minnesota, aux Etats-Unis, qui imaginait un scénario « de pics et de creux » épidémiques sur le long terme. Nous aurions, enfin, dû mieux écouter le directeur de l’OMS qui avait jugé « probable » une fin de l’épidémie vers la fin de 2022, et pas au printemps… Il a suffi qu’apparaisse un sous-variant d’Omicron, baptisé BA.2, pour que l’épidémie de Covid connaisse un rebond, en France comme partout en Europe.
Pour autant, ce nouveau sursaut épidémique devrait être moins éprouvant que le précédent et la bonne couverture vaccinale de la population française devrait éviter une saturation des hôpitaux. Cette potentielle 6e vague doit cependant être prise au sérieux, notamment pour les seniors et les personnes fragiles pour lesquels une 2e dose de rappel apparaît nécessaire. En se refusant pour l’instant à un retour des restrictions sanitaires, qui pourrait être électrique à quelques jours de l’élection présidentielle, le gouvernement acte aussi, comme l’a fait l’Espagne, une évolution de notre approche du Covid-19 : de pandémie, on passe peu à peu à une endémie, comme celle de la grippe saisonnière.
Apprendre à vivre avec le virus est plus que jamais nécessaire, pour continuer à vivre et affronter les défis du monde. Dans le dessin de Pascal, le monstre de la guerre était menacé par un autre péril dont on ne parle pas beaucoup en dépit des alertes des scientifiques : la crise climatique qui vient…
(Editorial publié. dans La Dépêche du Midi du mardi 22. mars 2022)