« L’énergie est notre avenir, économisons-la. » Ce slogan bien connu des Français – qui est devenu une obligation légale depuis plus de quinze ans pour toute publicité émise par une entreprise du secteur de l’énergie – est plus que jamais d’actualité. Car depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine par Vladimir Poutine le 24 février dernier, l’Europe a brutalement pris conscience de sa dépendance aux énergies fossiles russes : gaz, pétrole et charbon. Tous les pays membres de l’Union européenne sont concernés à des degrés divers : la France importe ainsi 17 % de gaz russe contre 55 % pour l’Allemagne et 100 % pour la Finlande. Selon les chiffres d’Eurostat, l’énergie représentait en 2021 62 % des importations des 27 en provenance de Russie, pour un montant de 99 milliards d’euros, et l’Europe fait actuellement un chèque de 800 millions d’euros par jour à la Russie pour lui acheter l’énergie nécessaire pour se chauffer, s’éclairer ou faire tourner ses usines et ses entreprises.
Dans un contexte international qui, depuis plusieurs mois, était marqué par des prix des énergies en forte hausse – les Français le voient tous les jours à la pompe ou lorsqu’ils ont rempli leur cuve de fioul – la guerre en Ukraine a donc remis à l’ordre du jour de l’agenda européen la question de l’indépendance énergétique, qui permet une meilleure maîtrise des prix, mais aussi celle, indissociable, de la transition écologique. Pour réaliser la seconde et ses objectifs de neutralité carbone en 2050, de nombreux pays ont abandonné le charbon pour le gaz, comme l’Allemagne qui, en renonçant au nucléaire et en misant sur les énergies renouvelables, essentiellement les éoliennes, a bâti son mix énergétique avec du gaz venant de Russie via l’oléoduc Nordstream 1. La guerre en Ukraine a stoppé net le 2e oléoduc Nordstream 2 qui devait conforter cette stratégie et plongé le pays dans une situation très délicate. Car on ne peut évidemment pas changer du jour au lendemain toute une architecture énergétique ; cela nécessite de trouver des fournisseurs alternatifs, de nouveaux moyens de productions (renouvelables, nucléaire, biomasse…), de bâtir des infrastructures, d’imaginer de nouvelles connexions entre pays européens. Un véritable défi.
En attendant que le plan européen REPowerEU permette à l’Europe de se passer du gaz russe, l’heure est à la maîtrise et aux économies d’énergie. Et comme au moment du choc pétrolier de 1973 auquel la situation actuelle est comparée, on renoue avec les réflexes de la chasse au gaspi. « Il faut économiser du gaz et de l’électricité en France dès maintenant, sinon cela pourrait mal se passer l’hiver prochain », a prévenu hier le patron du régulateur français de l’énergie, appelant entreprises et citoyens s’impliquer. L’Agence internationale de l’énergie est sur la même ligne, qui vient de détailler un plan en 10 points pour faire baisser notre consommation de pétrole.
Au final, de cette crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine, l’Europe peut faire une chance et une force pour accélérer la transition énergétique. Il y a urgence car la crise climatique, elle, n’attend pas…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 29 mars 2021)