Pour tout Président qui aspire à briguer un second mandat se pose la question de savoir pour quoi faire ? Quel sens donner à un nouveau quinquennat ? Quels projets mettre en avant, et, le cas échéant, avec quelle majorité ? Porter ceux qui n’ont pu être réalisés ou en proposer d’autres, sachant que c’est souvent moins le passé – le bilan – que l’avenir – le projet – qui convainc au final les électeurs ? Cette question s’est posée à tous les Présidents de la Ve République depuis Valéry d’Estaing et, hormis François Hollande qui a décidé de ne pas se représenter faute d’être assuré de disposer d’une majorité parlementaire, tous ont joué le thème du « changement dans la continuité ».
Emmanuel Macron n’a pas échappé à ce questionnement, et, en temps normal, ce jeune Président qui a fait éclater le paysage politique français en 2017 en promettant une « révolution » et de nouvelles pratiques disruptives, aurait pu, lui aussi, promettre le changement dans la continuité. D’autant plus qu’au gré des crises sociales – les Gilets jaunes – et sanitaires – l’épidémie de Covid-19 – il a déjà lui-même profondément changé, passant du social-libéral au social-démocrate, passant de la start-up nation parisienne sûre d’elle-même jusqu’à l’arrogance et parfois le mépris pour les corps intermédiaires et les élus locaux au très keynésien « quoi qu’il en coûte » solidaire, passant de l’encensement des premiers de cordée face à « ceux qui ne sont rien » à la mise à l’honneur de tous ceux qui ont été en première ligne pendant l’épidémie et ont fait tenir le pays.
En cinq ans, Emmanuel Macron, tout en conservant un exercice du pouvoir solitaire et jupitérien – comme tout monarque de notre République – a évolué, mûri, bousculé par les circonstances, au point que ceux qui s’interrogent pour savoir ce qu’est le macronisme arrivent à la conclusion qu’il s’agit peut-être de la capacité à gérer puis surmonter les crises, en étant particulièrement malléable et capable de s’adapter sans cesse à un monde qui change.
Cette capacité à faire face à la nouvelle crise qui ébranle le monde – rien moins qu’une guerre déclenchée au cœur de l’Europe par Vladimir Poutine qui met au défi nos valeurs démocratiques – est donc, d’évidence, un atout pour le Président sortant, en tête des intentions de vote.
Emmanuel Macron l’a bien compris et entend être, dans les cinq semaines de campagne à venir, plutôt qu’un habituel candidat-Président égrenant programme et promesses, un Président-candidat au service d’une « France unie » tournée vers l’avenir plutôt que repliée dans la nostalgie. Reste à savoir si les Français, dont on sait le goût pour l’alternance voire le dégagisme, renouvelleront ou pas leur confiance à Emmanuel Macron et choisiront la continuité plutôt que le changement.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 4 mars 2022)