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Le sérieux des faits

 

police

L’étude inédite « Géographie de la délinquance à l’échelle communale » publiée ce mois-ci dans une relative indifférence par Inter Stats, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), est importante car, en pleine campagne présidentielle, elle permet d’éclairer d’un jour nouveau le débat sur la délinquance et les solutions à mettre en œuvre pour la combattre.

À écouter certains candidats à l’élection présidentielle, la France serait à feu à a sang, minée par une délinquance quasi incontrôlable par un exécutif macroniste suspecté d’un coupable laxisme. Une « France Orange mécanique » – en référence au film éponyme de Stanley Kubrick mettant en scène des personnages ultraviolents, mais aussi au livre de Laurent Obertone paru en 2013 – dont parlent depuis des mois Eric Zemmour ou Marine Le Pen, sans éviter les outrances de la simplification voire les fake news.

La réalité, évidemment, est tout autre, bien plus complexe et nuancée. L’étude statistique parue début mars permet justement de prendre de la hauteur, d’analyser finement les chiffres, en l’occurrence ceux de dix indicateurs correspondant à des grandes catégories de crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie nationales. Sans surprise, on voit que la délinquance s’agrège autour des grandes agglomérations, mais l’étude montre aussi qu’en 2021, pour chacune des catégories étudiées, la majorité des actes de délinquance sont commis… dans seulement 1 % des communes métropolitaines. Et que 15 % des communes – essentiellement rurales – n’enregistrent aucune de ces infractions.

À ce constat, et à l’heure où Emmanuel Macron va rendre compte de son bilan quinquennal en matière de sécurité, il convient aussi de mesurer l’évolution de la délinquance en France avec des faits marqués à la hausse (violences sexuelles enregistrées par les services de police et gendarmerie, escroqueries, trafic de stupéfiants, coups et blessures volontaires, violences intrafamiliales) et d’autres qui se sont stabilisés (homicides) ou sont en baisse (atteintes aux biens, cambriolages de logement, vols de véhicules et vols violents sans armes).

Il ne s’agit évidemment pas de nier les difficultés inadmissibles en termes d’agressions, de vols ou de cambriolages que subissent trop de nos concitoyens. Ni même de moquer le « sentiment d’insécurité » que ressentent de bonne foi certains Français qui vivent au quotidien les tensions réelles de notre société, trop souvent passées sous la loupe grossissante, et donc déformante, des réseaux sociaux ou des chaînes d’information en continu.

Mais les études statistiques sont un élément nécessaire, mais pas suffisant, pour mieux comprendre l’évolution de la délinquance et permettre d’y apporter les bonnes réponses (budgétaires et humaines), loin des propositions démagogiques dignes du Far West qu’on a pu lire ici où là, loin de l’angélisme de certains aussi qui voudraient tout excuser au nom d’un déterminisme social, loin enfin de l’opposition que certains veulent systématiquement instiller entre la police et la justice. S’attaquer à la délinquance demande du sérieux en prenant en compte la réalité des faits.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 12 mars 2022)


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